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Revue de Presse

du  09/11/2002  par   Frédéric  MIARA
Cabinet CERCO


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la Loi NRE - Changements et interprétations
 

 

 

Thème: Lois et Règlements  

Introduction


Après plus d’un an de discussions, la Loi sur les Nouvelles Régulations Economiques, dite Loi NRE, a enfin été adoptée le 15 mai 2001, dans le but d’intégrer les principes du gouvernement d’entreprise au droit positif.

Le nouveau texte, figurant dans le Livre IV du Code de Commerce, intervient dans des domaines très variés et peu homogènes, ce qui rend sa lecture difficile. Cependant, son analyse démontre qu’il entend notamment moderniser deux secteurs du droit :

• Les règles du droit des sociétés commerciales : la loi nouvelle réorganise les règles de fonctionnement des organes sociaux et clarifie les droits et devoirs des mandataires sociaux,

• Les règles relatives aux délais de paiement : la loi nouvelle contraint les entreprises à réclamer les pénalités de retard à leurs débiteurs afin de réduire les délais de paiement.



PRINCIPALES INNOVATIONS INTRODUITES PAR LA LOI N° 2001 – 420 DU 15 MAI 2001 RELATIVE AUX NOUVELLES REGULATIONS ECONOMIQUES CONCERNANT LE DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES

Les principales innovations introduites par le titre « Droit des Sociétés Commerciales » de la Loi NRE interviennent dans les domaines suivants :

• L’équilibre des pouvoirs et le fonctionnement des organes dirigeants ( art. 104 à 109),
• La limitation des cumuls des mandats ( art. 110),
• La prévention des conflits d’intérêts ( art. 111 et 112),
• Le droit des actionnaires ( art. 114 à 118),

Le législateur a non seulement cherché à moderniser les règles de fonctionnement des organes collégiaux au sein des Sociétés Anonymes, mais aussi à clarifier les droits et devoirs des mandataires sociaux.


I/ LA MODERNISATION DES REGLES DE FONCTIONNEMENT DES ORGANES COLLEGIAUX AU SEIN DES SOCIETES ANONYMES

La Loi NRE réorganise les pouvoirs des différents organes sociaux et limite le cumul des mandats sociaux. Le but recherché est celui de la transparence et de la souplesse.


 Réorganisation des pouvoirs :

Alors que les pouvoirs du Conseil d’Administration, de son Président et du Directeur Général n’étaient pas dissociés dans la Loi du 24 juillet 1996, la Loi NRE, cherchant à instaurer un équilibre entre ces organes, permet de dissocier la présidence du Conseil d’Administration de la Direction Générales de la société et distingue clairement leurs prérogatives respectives.

Désormais, le Conseil d’Administration peut en effet décider de confier la direction générale de la société soit au Président du Conseil d’Administration, soit au Directeur Général.

Si le Conseil d’ADministration ne s’est pas prononcé depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi, c’est le Président du Conseil d’Administration qui assure la Direction générale de la société.
Les statuts peuvent cependant interdire la dissociation de ces fonctions ou leur fusion.

 Le Conseil d’Administration :

Le Conseil d’Administration ne peut comporter plus de 18 membres (ou 24 en cas de fusion). Il a jusqu’au 16 mai 2004 pour se mettre en conformité avec cette disposition (Loi NRE, art. 129).

Jusqu’à la Loi NRE, cet organe était investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société. Depuis, l’article 106, 1° distingue son pouvoir de gestion et son pouvoir de contrôle.

L’article L 225-35 C.Com, al.1 (Loi NRE, art. 106-1°) lui attribue en effet trois principales missions :

- il détermine les orientations de l’activité et veille à leur mise en œuvre,
- il se saisit de toutes questions intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent,
- il procède aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns.

Le législateur a ainsi souhaité répartir les fonctions de gestion entre le Directeur Général, qui assure la gestion courante et le Conseil d’Administration, qui la contrôle. Mais la responsabilité pour faute de gestion à l’encontre des administrateurs est maintenue ( art. L 225-251 C.Com).

Dans ses rapports avec les tiers, la règle selon laquelle la société est engagée par les actes du Conseil, même par ceux qui ne relèvent pas de l’objet social, est maintenue.

 Le Président du Conseil d’Administration :

Son rôle est considérablement réduit, lorsqu’il perd son pouvoir de direction générale et de représentation de la société.

Dans ce cas, il représente le Conseil d’Administration, organise et dirige les travaux du Conseil, dont il rend compte à l’Assemblée Générale. Il veille au bon fonctionnement des organes de la société et s’assure que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission ( art. L 225-51 ; Loi NRE, art. 106-3°).

Par ailleurs, le Président du Conseil d’Administration peut être saisi par le Directeur Général, afin qu’il convoque le Conseil sur un ordre du jour déterminé. Il est lié par cette demande.

 Le Directeur Général et les Directeurs Généraux délégués :

Le Directeur Général et les Directeurs Généraux délégués, dont le nombre maximum est fixé à cinq, sont obligatoirement des personnes physiques, nommées par le Conseil d’Administration ( Art. L 225-51-1 C.Com ; Loi NRE art. 106-4°).

La nomination du Directeur Général n’intervient donc plus sur proposition du Président du Conseil d’Administration, de même que sa révocation, qui peut intervenir à tout moment sans juste motif.

Le Directeur Général possède désormais des pouvoirs qui appartenaient au Président du Conseil d’Administration : il dispose des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société ; il exerce ses pouvoirs dans la limite de l’objet social et représente la société dans ses rapports avec les tiers ; il engage la société par ses actes ne relevant pas de l’objet social ( art. L 225-56 C.Com).


 Limite du cumul des mandats sociaux :

Les nouvelles dispositions issues de l’article 110 de la Loi NRE restreignent le cumul des mandats de dirigeants de sociétés anonymes. Elles doivent intervenir avant le 15 novembre 2002 et ne s’appliquent pas aux dirigeants de SAS.

 Mandat de Directeur Général : art. L 225-54-1
Une personne physique ne peut pas exercer plus d’un mandat de Directeur Général.

 Mandat d’administrateur ou de membre du Conseil de Surveillance : art. L 225-21, al.1
Une personne physique ne peut pas exercer simultanément plus de cinq mandats d’administrateurs.

 Mandat de Président du Conseil d’Administration :
Il peut, comme un simple administrateur, cumuler cinq mandats. Lorsqu’il assume les fonctions de Directeur Général, les dispositions sur le cumul des mandats de Directeur Général sont applicables.

 Mandat de membre du Directoire : art. L 225-67
Une personne physique ne peut exercer plus d’un mandat de membre du Directoire.

 Plafond global, tous mandats confondus : art. L 225-94-1

Une même personne physique ne peut pas cumuler plus de cinq mandats de Directeur Général, administrateur, membre du Directoire ou du Conseil de Surveillance.

Par exception, un deuxième mandat de même nature peut être exercé dans une société contrôlée par celle où le dirigeant occupe son premier mandat, dès lors que ses titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé.

Toute personne qui exerce un mandat en infraction avec ces règles de cumul doit se démettre de l’un de ses mandats dans les trois mois de sa nomination. A défaut, elle est démise d’office et doit restituer toute rémunération perçue.


II/ LA CLARIFICATION DES DROITS ET DEVOIRS DES MANDATAIRES SOCIAUX

Afin d’assurer une plus grande transparence dans la gestion de la société, la loi nouvelle a essentiellement modifié les dispositions relatives au droit d’information des actionnaires, aux conventions réglementées et à la libération du capital.


 Le droit d’information des actionnaires sur la rémunération des mandataires sociaux :

Le droit d’information des actionnaires est renforcé : il concerne l’information sur la rémunération des mandataires sociaux.

Les mesures de publicité instituées par la loi NRE concernent aussi bien les rémunérations au sens strict du terme, à savoir le salaire ou les avantages en nature, mais également sur les plans de stock option.

Ainsi, aux termes de l’article L 225-102 du Code de Commerce, le rapport de gestion doit rendre compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés durant l’exercice à chaque mandataire social. Cette mesure de contrôle est étendue aux groupes de sociétés, puisque le contrôle est étendu aux comptes consolidés.


Il est à noter que ces dispositions sont applicables aux Sociétés Anonymes et aux sociétés en commandites par actions, mais ne s’appliquent pas aux sociétés par actions simplifiées.

Le texte vise tous les mandataires sociaux qui perçoivent une rémunération quelconque de la société ou de sociétés contrôlées par elle.

En ce qui concerne la mise en place de plan d’options, l’article L 225-184 du Code de Commerce prévoit que chaque année, un rapport spécial informe l’assemblée générale ordinaire des plans d’options mis en place.

Ce rapport doit contenir le détail des stocks options mis en place pour tous les mandataires sociaux, mais également les dix salariés non-mandataires sociaux bénéficiant du plus grand nombre d’options. Ce rapport doit préciser le nombre d’options, leur échéance, leur prix, ainsi que les options levées en cours d’année.

Cette disposition s’applique quant à elle à toutes les sociétés par actions (les SA, les SCA et les SAS).

 Les conventions réglementées :

Avant la loi du 15 mai 2001 étaient soumises à l’autorisation préalable du Conseil d’Administration, les conventions intervenant entre une société et l’un de ses administrateurs ou directeurs généraux ; il en allait de même pour les conventions où l’une des personnes susvisées était indirectement intéressée ou dans lesquelles elle traitait avec la société par personne interposée.

Depuis son entrée en vigueur, le champ d’application des conventions réglementées est étendu et concerne à présent :


- les conventions intervenant directement ou indirectement entre la société et son Directeur Général, l’un de ses directeurs généraux délégués ou l’un de ses administrateurs,

- les conventions passées par la société avec l’un de ses actionnaires disposant d’une fraction de droits de vote supérieure à 5%,

- les conventions passées entre sociétés d’un même groupe.

Ainsi, dans tous les cas susvisés, les conventions réglementées devront au préalable être autorisées par le Conseil d’Administration. En outre, le Conseil d’Administration et le Commissaire aux Comptes recevront la liste des conventions passées avec les administrateurs, les dirigeants, les filiales, et les actionnaires, qui, eux aussi, auront désormais le droit de se faire communiquer cette liste.

 La libération du capital social :

La loi NRE a modifié les règles applicables en matière de libération du capital social en intégrant des règles générales applicables à toutes les sociétés, civiles ou commerciales, et en prévoyant des dispositions spécifiques aux SARL et aux sociétés à capital variable.

 Concernant l’ensemble des sociétés : art. 1843-3, al. 5 du Code Civil

La loi NRE prévoit que lorsqu’il n’a pas été procédé dans le délai légal aux appels de fonds pour réaliser la libération intégrale du capital, tout intéressé peut désormais demander en référé au Président du Tribunal compétent, la condamnation des dirigeants sociaux à le faire sous astreinte, ou la désignation d’un mandataire chargé de cette formalité.
 Concernant les SARL : art. L 223-7 du Code de Commerce

Avant la Loi NRE, les parts sociales souscrites en numéraire devaient être libérées en totalité lors de la constitution de la société.

Désormais, les parts sociales représentant des apports en numéraire peuvent n’être libérées que de 1/5è de leur montant.

La libération du surplus pourra intervenir en une ou plusieurs fois sur décision du gérant, dans la limite de cinq ans à compter de l’immatriculation de la société au RCS.

Il est toujours interdit de procéder à une augmentation de capital en numéraire, tant que la libération intégrale du capital social n’a pas eu lieu.

 Concernant les sociétés à capital variable : art. L 231-5 du Code de Commerce

Avant la loi NRE, le capital plancher représentant la limite au-dessous de laquelle le capital souscrit ne pouvait descendre par suite du retrait des associés, devait être supérieur au dixième du capital initialement souscrit dans les statuts.

Désormais, hormis le cas des sociétés coopératives, il n’est plus possible de prévoir un capital plancher à la fois inférieur à 10% du capital stipulé dans les statuts et au montant minimal du capital exigé par la loi pour chaque forme de société.

Ex : Pour une SARL à capital variable dont le capital souscrit est de 15 245 euros, le capital plancher ne pourra être inférieur à 7 622,45 euros (50 000 francs) et devra en tout état de cause être libéré dans les cinq ans.



LA LOI N°2001-420 du 15 mai 2001 et LES DELAIS DE PAIEMENT ENTRE OPERATEURS PRIVES

Dès l’entrée en vigueur de la Loi n°2001-420 du 15 mai 2001, les praticiens ont d’emblée espéré que cet ensemble de dispositions, dénué de cohésion globale, ne préfigure en rien d’éventuelles incohérences, partant inefficacité, voire même inopportunité et contradiction, au sein même des différentes unités qui le composent.

Cet espoir fût vain, nous le savons aujourd’hui, en ce qui concerne les dispositions relatives aux délais de paiement entre opérateurs privés, telles que visées par les articles L441-3 et L441-6 du code de commerce (Ord. 1986, art 31 et 33 anciens).

Les articles relatifs aux-dits délais transposent la directive n°2000/35 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions (pour une étude de cette directive, se reporter à Contrats, concurrence, consommation. 2000, Chron. 12).

Outre le caractère obligatoire que revêt une directive, c’était là l’occasion, pour l’état français, de mettre en place un cadre juridique pertinent, contraignant les débiteurs à respecter scrupuleusement la date d’exigibilité de leurs dettes transactionnelles. Ainsi, pouvait-on espérer que la France rompe avec une tradition d’excessive longueur en cette matière, 60 jours en moyenne ; d’une part, cela aurait eu pour effet de la rapprocher des nations de l’union européenne économiquement comparables, il n’est jamais bon d’être parmi les derniers de la classe quand on s’en prétend le leader, d’autre part, cela aurait contribué, en pérennisant le crédit, à créer les conditions d’une dynamique économique dans une période de récession naissante.

Il n’en est malheureusement rien, cette transposition, telle qu’elle a été réalisée, dans l’urgence et de manière approximative, ne présente non seulement aucun intérêt pour les créanciers sur le plan du respect des conditions de crédit, mais encore elle alourdit considérablement, voire de manière insurmontable, la charge de travail de leur service comptabilité-clients, éventuellement elle induit une adaptation de leur outil informatique et, enfin, elle les expose à des sanctions pénales et surtout fiscales que l’on croyait « enterrées ».

Concrètement et synthétiquement, la loi NRE crée pour partie, et « rafraîchit » pour l’autre partie, 2 obligations à la charge des créanciers sans, comme nous le verrons ultérieurement, apporter aucune contrepartie qui leur soit favorable.


I/ Obligation de mentionner sur les factures le taux des pénalités de retard et leur date d’exigibilité

Désormais, au terme des articles L441-3 et L441-6 du code de commerce :

• Toute facture doit mentionner la date à laquelle le règlement doit intervenir, le taux des pénalités de retard applicables en cas de retard de paiement. Les conditions générales de vente doivent aussi obligatoirement préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard.

- L’omission sur une facture d’une mention obligatoire peut être sanctionnée par une amende de 75 000 euros lorsque les poursuites sont menées contre le dirigeant ; Les sociétés peuvent être condamnées solidairement au paiement des amendes prononcées à l’encontre de leurs dirigeants (c. com. Art L470-1). Elles peuvent également faire l’objet de poursuites pénales et encourent une amende pouvant aller jusqu’à 375 000 euros et l’exclusion des marchés publics pour 5 ans au plus.

- Les obligations relatives aux conditions générales de vente sont assorties d’une amende de 15 000 euros lorsque les poursuites sont dirigées contre une personne physique et de 75 000 euros lorsqu’elles sont engagées contre une personne morale.

• Les pénalités de retard sont exigibles le lendemain de la date de règlement indiquée sur la facture. Le règlement est réputé réalisé à la date à laquelle les fonds sont mis à la disposition du bénéficiaire.

• Sauf stipulations contraires, ne pouvant toutefois être inférieures à 1.5 fois le taux d’intérêt légal (fixé annuellement par décret), figurant dans les conditions générales de vente ou dans une convention spécifique, le taux des pénalités de retard est équivalent à celui appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points.

Exemple de calcul :
Pour l’année 2001, le taux d’intérêt légal étant de 4.26%, le minimum pour les pénalités de retard est donc de 4.26% x 1.5 soit 6.39%.
Le taux appliqué sauf disposition contraire sera fonction du taux publié par la BCE. Ainsi pour la période comprise entre le 9 novembre 2001 et le 31 décembre 2001 le taux de la BCE étant de 3.25% le taux des pénalités de retard sera donc de : 3.25% + 7 = 10.25%.

• Sauf stipulations contraires figurant dans les conditions générales de vente ou dans une convention spécifique, les délais de paiement de toutes marchandises ou prestations de service sont fixés à 30 jours suivant la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation.

A la « lumière » de ces dispositions, il est plus que probable que l’effet réducteur des délais de paiement, escompté par le législateur, ne sera pas atteint puisque la mise en œuvre de ces mesures repose sur un acte positif du créancier qui lui fait courir un risque commercial indéniable. En effet, quel vendeur prendra le risque de facturer des pénalités « aveuglément » à l’ensemble de sa clientèle ? Encore plus illusoire, quel vendeur prendra le risque de poursuivre le recouvrement forcé de ces pénalités de retard à l’encontre de l’ensemble de sa clientèle ?

Par ailleurs, il convient de souligner l’effet pervers de ces dispositions pour le fournisseur. En effet, en instaurant un délai de paiement supplétif de 30 jours, la loi NRE place le client dans une position de négociation des conditions de paiement beaucoup plus favorable que sous l’empire des dispositions anciennes. D’une position de demandeur de crédit, il se retrouve dans la situation de bénéficiaire.

Enfin, le législateur brandit à nouveau la menace pénale, que de surcroît il alourdit.


II/ Obligation de comptabiliser les intérêts de retard

• Cette obligation constitue une conséquence nouvelle et directe de la rédaction retenue par le législateur français lors de la transposition de la directive précitée. Selon l’article L441-6 du code de commerce, disposition d’ordre public, les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire. Par conséquent, le non-respect des délais de paiement fait automatiquement naître une créance nouvelle, accessoire et certaine. A la lumière des redressements fiscaux ayant succédé à la loi de 1992, il semble prudent, voire avisé, de prendre en compte cette créance dans le bénéfice imposable de l’exercice au cours duquel le délai de paiement est dépassé.
En effet, l’entrée en vigueur de la loi précitée avait entraîné la réintégration des pénalités de retard non comptabilisées dans l’assiette d’impôt sur les sociétés (IS) des entreprises négligentes ou « naïves ».
Certes, sous l’empire de ces dispositions, il demeurait la possibilité de ne pas comptabiliser, et partant de ne pas facturer, le montant des pénalités de retard (sous la réserve de ne pas le faire de manière sélective, ceci constituant une infraction aux règles de la concurrence). Il suffisait de préciser dans les conditions générales de vente que les pénalités étaient dues après une mise en demeure.
L’entreprise pouvait dès lors ne pas comptabiliser les pénalités de retard pourtant prévues dans ses documents contractuels.
En revanche, si une clause précisait que les pénalités étaient dues de plein droit et sans mise en demeure, l’administration fiscale considérait qu’elles devaient obligatoirement être comptabilisées, même si elles n’étaient pas recouvrées.
En effet, l’administration, conformément à l’instruction du 7 mai 1997 (4-A-9-97), avait admis que les créances afférentes aux pénalités pouvaient n’être prises en compte qu’au seul titre de l’exercice au cours duquel le client a été mis en demeure par son fournisseur d’effectuer le règlement convenu. Mais l’administration s’était aussitôt empressée de préciser que cette règle n’était pas applicable lorsqu’une clause du contrat de vente stipulait que les pénalités en cause étaient dues sans mise en demeure préalable.

Dorénavant, puisque les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire, cette créance naîtra de plein droit et devra être prise en compte dans le bénéfice imposable. Cette disposition étant d’ordre public, l’entreprise n’aura d’autre choix, au moment du paiement tardif dans l’exercice de naissance de la créance, que d’arrêter le montant des pénalités dues, les comptabiliser et idéalement les facturer. De la même manière, si la créance n’a pas été réglée à la clôture de l’exercice, l’entreprise devra arrêter provisoirement le montant des pénalités de retard à la date de clôture de l’exercice, les comptabiliser et idéalement les facturer.
En cas de non-respect de cette obligation, l’administration fiscale pourrait redresser l’entreprise créancière en réintégrant dans son assiette d’imposition les factures non émises et, dans le cas de créances principales passées en pertes et profits, concomitamment, réclamer la TVA indûment déduite.
L’essentiel à retenir est que l’administration fiscale conditionne la faculté d’abandonner la créance des pénalités à sa comptabilisation préalable. Dès lors, en cas de contrôle, les entreprises n’ayant pas pris le soin de comptabiliser, et idéalement facturer ces pénalités, prendront le risque induit de l’impossibilité de les abandonner. D’un point de vue strictement théorique, le risque couru paraît d’autant plus inutile que les effets de cette créance sur l’IS seront neutralisés par le jeu des provisions comptables.
• Il reste qu’il faudra régulariser cette situation comptable provisoire, soit en procédant à une reprise de provision dans l’hypothèse de paiement des pénalités de retard, soit lors de la constatation de l’irrécouvrabilité définitive de la totalité (principal et pénalités) ou d’une partie (pénalités) de la créance.
Toutefois, et sous réserve de la comptabilisation des pénalités de retard, il semble, au vu de la doctrine administrative, que leur abandon soit toléré sous réserve de l’existence d’intérêts commerciaux le justifiant. Mais cet abandon des pénalités de retard ne doit pas être constitutif d’une discrimination abusive pour les agents de la concurrence.
Cependant, en cas d’abandon en masse des pénalités de retard, on peut légitimement douter de la “bienveillante” tolérance administrative car alors la justification, sur le fondement des intérêts commerciaux, semble plus fragile.
D’une manière générale, l’on ne peut que regretter la position du législateur français, lequel a dénaturé la directive européenne du 29 juin 2000 en la transposant. En effet, l’exigibilité de plein droit des pénalités de retard était une disposition supplétive à laquelle les parties pouvaient déroger.
Par ailleurs, la loi NRE restaure la menace fiscale et partant, induit un accroissement majeur des opérations administratives et comptables pour les créanciers, ainsi qu’une inutile et lourde adaptation de l’outil informatique pour la plupart d’entre eux.
Enfin, en fixant un taux de pénalités de retard supplétif bien supérieur à l’ancien, la loi sanctionne indirectement tous les fournisseurs qui n’auront pas prévu un taux dérogatoire inférieur. Le montant du redressement possible pour tous ceux qui n’auront pas pris soin de comptabiliser les pénalités de retard en sera d’autant plus conséquent. A l’inverse, pour ceux qui auront satisfait à l’obligation de comptabilisation, la justification de l’irrécouvrabilité de leur créance de pénalités par un prestataire externe (collaboration pouvant s’avérer nécessaire compte tenu de la masse potentielle et du risque au regard des agents de l’administration fiscale et de la concurrence) sera d’autant moins aisée que leur montant sera élevé. En effet, est-il besoin de rappeler que la tolérance administrative en matière de motivation d’irrécouvrabilité définitive d’une créance, dans l’hypothèse où toutes les voies de droit n’ont pas été épuisées, est liée à l’importance des sommes en jeu.



 

 


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