
Introduction
Après plus d’un an de
discussions, la Loi sur les Nouvelles Régulations Economiques, dite Loi NRE, a
enfin été adoptée le 15 mai 2001, dans le but d’intégrer les principes du
gouvernement d’entreprise au droit positif.
Le nouveau texte, figurant
dans le Livre IV du Code de Commerce, intervient dans des domaines très variés
et peu homogènes, ce qui rend sa lecture difficile. Cependant, son analyse
démontre qu’il entend notamment moderniser deux secteurs du droit :
-
Les règles du droit des sociétés
commerciales : la loi nouvelle
réorganise les règles de fonctionnement des organes sociaux et clarifie les
droits et devoirs des mandataires sociaux,
-
Les règles relatives aux délais de paiement :
la loi nouvelle contraint les entreprises à réclamer les pénalités de retard à
leurs débiteurs afin de réduire les délais de paiement.
PRINCIPALES
INNOVATIONS INTRODUITES PAR LA LOI N° 2001 – 420 DU 15 MAI 2001 RELATIVE AUX
NOUVELLES REGULATIONS ECONOMIQUES CONCERNANT LE DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES
Les principales innovations
introduites par le titre « Droit des Sociétés Commerciales » de la Loi NRE
interviennent dans les domaines suivants :
-
L’équilibre des pouvoirs et le
fonctionnement des organes dirigeants ( art. 104 à 109),
-
La limitation des cumuls des mandats ( art.
110),
-
La prévention des conflits d’intérêts (
art. 111 et 112),
-
Le droit des actionnaires ( art. 114 à
118),
Le législateur a non seulement
cherché à moderniser les règles de fonctionnement des organes collégiaux au sein
des Sociétés Anonymes, mais aussi à clarifier les droits et devoirs des
mandataires sociaux.
I/ LA MODERNISATION DES REGLES DE
FONCTIONNEMENT DES ORGANES COLLEGIAUX AU SEIN DES SOCIETES ANONYMES
|
La
Loi NRE réorganise les pouvoirs des différents organes sociaux et limite le
cumul des mandats sociaux. Le but recherché est celui de la transparence et de
la souplesse.
Réorganisation des pouvoirs :
Alors que les pouvoirs du
Conseil d’Administration, de son Président et du Directeur Général n’étaient pas
dissociés dans la Loi du 24 juillet 1996, la Loi NRE, cherchant à instaurer un
équilibre entre ces organes, permet de dissocier la présidence du Conseil
d’Administration de la Direction Générales de la société et distingue clairement
leurs prérogatives respectives.
Désormais, le Conseil
d’Administration peut en effet décider de confier la direction générale de la
société soit au Président du Conseil d’Administration, soit au Directeur
Général.
Si le Conseil d’ADministration
ne s’est pas prononcé depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi, c’est le
Président du Conseil d’Administration qui assure la Direction générale de la
société.
Les statuts peuvent cependant
interdire la dissociation de ces fonctions ou leur fusion.
Ø
Le Conseil d’Administration :
Le Conseil d’Administration ne
peut comporter plus de 18 membres (ou 24 en cas de fusion). Il a jusqu’au 16
mai 2004 pour se mettre en conformité avec cette disposition (Loi NRE, art.
129).
Jusqu’à la Loi NRE, cet organe
était investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société.
Depuis, l’article 106, 1° distingue son pouvoir de gestion et son pouvoir de
contrôle.
L’article L 225-35 C.Com, al.1
(Loi NRE, art. 106-1°) lui attribue en effet trois principales missions :
-
il détermine les orientations de l’activité et veille à leur mise
en œuvre,
-
il se
saisit de toutes questions intéressant la bonne marche de la société et règle
par ses délibérations les affaires qui la concernent,
-
il
procède aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns.
Le législateur a ainsi
souhaité répartir les fonctions de gestion entre le Directeur Général, qui
assure la gestion courante et le Conseil d’Administration, qui la contrôle. Mais
la responsabilité pour faute de gestion à l’encontre des administrateurs est
maintenue ( art.
L 225-251 C.Com).
Dans ses rapports avec les
tiers, la règle selon laquelle la société est engagée par les actes du Conseil,
même par ceux qui ne relèvent pas de l’objet social, est maintenue.
Ø
Le Président du Conseil d’Administration :
Son rôle est considérablement
réduit, lorsqu’il perd son pouvoir de direction générale et de représentation de
la société.
Dans ce cas, il représente le
Conseil d’Administration, organise et dirige les travaux du Conseil, dont il
rend compte à l’Assemblée Générale. Il veille au bon fonctionnement des organes
de la société et s’assure que les administrateurs sont en mesure de remplir leur
mission ( art. L 225-51 ; Loi NRE, art. 106-3°).
Par ailleurs, le Président du
Conseil d’Administration peut être saisi par le Directeur Général, afin qu’il
convoque le Conseil sur un ordre du jour déterminé. Il est lié par cette
demande.
Ø
Le Directeur Général et les Directeurs Généraux délégués :
Le
Directeur Général et les Directeurs Généraux délégués, dont le nombre maximum
est fixé à cinq, sont obligatoirement des personnes physiques, nommées par le
Conseil d’Administration ( Art. L 225-51-1 C.Com ; Loi NRE art. 106-4°).
La
nomination du Directeur Général n’intervient donc plus sur proposition du
Président du Conseil d’Administration, de même que sa révocation, qui peut
intervenir à tout moment sans juste motif.
Le Directeur Général possède
désormais des pouvoirs qui appartenaient au Président du Conseil
d’Administration : il dispose des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute
circonstance au nom de la société ; il exerce ses pouvoirs dans la limite de
l’objet social et représente la société dans ses rapports avec les tiers ; il
engage la société par ses actes ne relevant pas de l’objet social ( art.
L 225-56
C.Com).
Limite du
cumul des mandats sociaux :
Les nouvelles dispositions
issues de l’article 110 de la Loi NRE restreignent le cumul des mandats de
dirigeants de sociétés anonymes. Elles doivent intervenir avant le 15
novembre 2002 et ne s’appliquent pas aux dirigeants de SAS.
Ø
Mandat de Directeur Général : art. L 225-54-1
Une personne physique ne peut
pas exercer plus d’un mandat de Directeur Général.
Ø
Mandat d’administrateur ou de membre du Conseil de Surveillance : art. L 225-21,
al.1
Une personne physique ne peut
pas exercer simultanément plus de cinq mandats d’administrateurs.
Ø
Mandat de Président
du Conseil d’Administration :
Il peut, comme un simple
administrateur, cumuler cinq mandats. Lorsqu’il assume les fonctions de
Directeur Général, les dispositions sur le cumul des mandats de Directeur
Général sont applicables.
Ø
Mandat de membre du Directoire : art. L 225-67
Une personne physique ne peut
exercer plus d’un mandat de membre du Directoire.
Ø
Plafond global, tous
mandats confondus : art. L 225-94-1
Une
même personne physique ne peut pas cumuler plus de cinq mandats de
Directeur Général, administrateur, membre du Directoire ou du Conseil de
Surveillance.
Par exception, un deuxième
mandat de même nature peut être exercé dans une société contrôlée par celle où
le dirigeant occupe son premier mandat, dès lors que ses titres ne sont pas
admis aux négociations sur un marché réglementé.
Toute personne qui exerce un mandat en infraction avec ces règles de cumul doit
se démettre de l’un de ses mandats dans les trois mois de sa nomination. A
défaut, elle est démise d’office et doit restituer toute rémunération perçue.
II/ LA CLARIFICATION DES DROITS ET
DEVOIRS DES MANDATAIRES SOCIAUX |
Afin
d’assurer une plus grande transparence dans la gestion de la société, la loi
nouvelle a essentiellement modifié les dispositions relatives au droit
d’information des actionnaires, aux conventions réglementées et à la libération
du capital.
Le
droit d’information des actionnaires sur la rémunération des mandataires sociaux
:
Le
droit d’information des actionnaires est renforcé : il concerne l’information
sur la rémunération des mandataires sociaux.
Les mesures de publicité instituées par la loi NRE concernent aussi bien les
rémunérations au sens strict du terme, à savoir le salaire ou les avantages en
nature, mais également sur les plans de stock option.
Ainsi, aux termes de l’article L 225-102 du Code de Commerce, le rapport de
gestion doit rendre compte de la rémunération totale et des avantages de toute
nature versés durant l’exercice à chaque mandataire social. Cette mesure de
contrôle est étendue aux groupes de sociétés, puisque le contrôle est étendu aux
comptes consolidés.
Il est à noter que ces dispositions sont applicables aux Sociétés Anonymes et
aux sociétés en commandites par actions, mais ne s’appliquent pas aux sociétés
par actions simplifiées.
Le texte vise tous les mandataires sociaux qui perçoivent une rémunération
quelconque de la société ou de sociétés contrôlées par elle.
En ce
qui concerne la mise en place de plan d’options, l’article L 225-184 du Code de
Commerce prévoit que chaque année, un rapport spécial informe l’assemblée
générale ordinaire des plans d’options mis en place.
Ce
rapport doit contenir le détail des stocks options mis en place pour tous les
mandataires sociaux, mais également les dix salariés non-mandataires sociaux
bénéficiant du plus grand nombre d’options. Ce rapport doit préciser le nombre
d’options, leur échéance, leur prix, ainsi que les options levées en cours
d’année.
Cette
disposition s’applique quant à elle à toutes les sociétés par actions (les SA,
les SCA et les SAS).
Les
conventions réglementées :
Avant
la loi du 15 mai 2001 étaient soumises à l’autorisation préalable du Conseil
d’Administration, les conventions intervenant entre une société et l’un de ses
administrateurs ou directeurs généraux ; il en allait de même pour les
conventions où l’une des personnes susvisées était indirectement intéressée ou
dans lesquelles elle traitait avec la société par personne interposée.
Depuis son entrée en vigueur, le champ d’application des conventions
réglementées est étendu et concerne à présent :
- les
conventions intervenant directement ou indirectement entre la société et
son Directeur Général, l’un de ses directeurs généraux délégués ou l’un de ses
administrateurs,
- les
conventions passées par la société avec l’un de ses actionnaires disposant d’une
fraction de droits de vote supérieure à 5%,
- les
conventions passées entre sociétés d’un même groupe.
Ainsi, dans tous les cas susvisés, les conventions réglementées
devront au préalable être autorisées par le Conseil d’Administration. En
outre, le Conseil d’Administration et le Commissaire aux Comptes recevront la
liste des conventions passées avec les administrateurs, les dirigeants, les
filiales, et les actionnaires, qui, eux aussi, auront désormais le droit de se
faire communiquer cette liste.
La
libération du capital social :
La loi
NRE a modifié les règles applicables en matière de libération du capital
social en intégrant des règles générales applicables à toutes les sociétés,
civiles ou commerciales, et en prévoyant des dispositions spécifiques aux SARL
et aux sociétés à capital variable.
Ø
Concernant l’ensemble des sociétés : art. 1843-3, al. 5 du Code Civil
La loi NRE prévoit que lorsqu’il n’a pas été procédé dans le délai légal aux
appels de fonds pour réaliser la libération intégrale du capital, tout intéressé
peut désormais demander en référé au Président du Tribunal compétent, la
condamnation des dirigeants sociaux à le faire sous astreinte, ou la désignation
d’un mandataire chargé de cette formalité.
Ø
Concernant les SARL : art. L 223-7 du Code de Commerce
Avant la Loi NRE, les parts sociales souscrites en numéraire devaient être
libérées en totalité lors de la constitution de la société.
Désormais, les parts sociales représentant des apports en numéraire peuvent
n’être libérées que de 1/5è de leur montant.
La libération du surplus pourra intervenir en une ou plusieurs fois sur décision
du gérant, dans la limite de cinq ans à compter de l’immatriculation de la
société au RCS.
Il est toujours interdit de procéder à une augmentation de capital en numéraire,
tant que la libération intégrale du capital social n’a pas eu lieu.
Ø
Concernant les sociétés à capital variable : art. L 231-5 du Code de Commerce
Avant la loi NRE, le capital plancher représentant la limite au-dessous de
laquelle le capital souscrit ne pouvait descendre par suite du retrait des
associés, devait être supérieur au dixième du capital initialement souscrit dans
les statuts.
Désormais, hormis le cas des sociétés coopératives, il n’est plus possible de
prévoir un capital plancher à la fois inférieur à 10% du capital stipulé dans
les statuts et au montant minimal du capital exigé par la loi pour chaque forme
de société.
Ex : Pour une SARL à capital variable dont le capital souscrit est de 15 245
euros, le capital plancher ne pourra être inférieur à 7 622,45 euros (50 000
francs) et devra en tout état de cause être libéré dans les cinq ans.
LA LOI N°2001-420 du 15 mai
2001 et LES DELAIS DE PAIEMENT ENTRE OPERATEURS PRIVES
Dès
l’entrée en vigueur de la Loi n°2001-420 du 15 mai 2001, les praticiens ont
d’emblée espéré que cet ensemble de dispositions, dénué de cohésion globale, ne
préfigure en rien d’éventuelles incohérences, partant inefficacité, voire même
inopportunité et contradiction, au sein même des différentes unités qui le
composent.
Cet
espoir fût vain, nous le savons aujourd’hui, en ce qui concerne les dispositions
relatives aux délais de paiement entre opérateurs privés, telles que visées par
les articles L441-3 et L441-6 du code de commerce (Ord. 1986, art 31 et 33
anciens).
Les articles relatifs aux-dits
délais transposent la directive n°2000/35 du Parlement européen et du Conseil du
29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les
transactions (pour une étude de cette directive, se reporter à Contrats,
concurrence, consommation. 2000, Chron. 12).
Outre le caractère obligatoire
que revêt une directive, c’était là l’occasion, pour l’état français, de mettre
en place un cadre juridique pertinent, contraignant les débiteurs à respecter
scrupuleusement la date d’exigibilité de leurs dettes transactionnelles. Ainsi,
pouvait-on espérer que la France rompe avec une tradition d’excessive longueur
en cette matière, 60 jours en moyenne ; d’une part, cela aurait eu pour effet de
la rapprocher des nations de l’union européenne économiquement comparables, il
n’est jamais bon d’être parmi les derniers de la classe quand on s’en prétend le
leader, d’autre part, cela aurait contribué, en pérennisant le crédit, à créer
les conditions d’une dynamique économique dans une période de récession
naissante.
Il n’en est malheureusement
rien, cette transposition, telle qu’elle a été réalisée, dans l’urgence et de
manière approximative, ne présente non seulement aucun intérêt pour les
créanciers sur le plan du respect des conditions de crédit, mais encore elle
alourdit considérablement, voire de manière insurmontable, la charge de travail
de leur service comptabilité-clients, éventuellement elle induit une adaptation
de leur outil informatique et, enfin, elle les expose à des sanctions pénales et
surtout fiscales que l’on croyait « enterrées ».
Concrètement et
synthétiquement, la loi NRE crée pour partie, et « rafraîchit » pour l’autre
partie, 2 obligations à la charge des créanciers sans, comme nous le verrons
ultérieurement, apporter aucune contrepartie qui leur soit favorable.
I/ Obligation
de mentionner sur les factures le taux des pénalités de retard et leur date
d’exigibilité |
Désormais, au terme des articles L441-3 et L441-6 du code de commerce :
-
Toute facture doit mentionner la date à laquelle le règlement doit intervenir,
le taux des pénalités de retard applicables en cas de retard de paiement. Les
conditions générales de vente doivent aussi obligatoirement préciser les
conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard.
-
L’omission sur une facture d’une mention obligatoire peut être sanctionnée par
une amende de 75 000 euros lorsque les poursuites sont menées contre le
dirigeant ; Les sociétés peuvent être condamnées solidairement au paiement des
amendes prononcées à l’encontre de leurs dirigeants (c. com. Art L470-1). Elles
peuvent également faire l’objet de poursuites pénales et encourent une amende
pouvant aller jusqu’à 375 000 euros et l’exclusion des marchés publics pour 5
ans au plus.
-
Les obligations relatives aux conditions générales de vente sont assorties d’une
amende de 15 000 euros lorsque les poursuites sont dirigées contre une personne
physique et de 75 000 euros lorsqu’elles sont engagées contre une personne
morale.
-
Les pénalités de retard sont exigibles le lendemain de la date de règlement
indiquée sur la facture. Le règlement est réputé réalisé à la date à laquelle
les fonds sont mis à la disposition du bénéficiaire.
-
Sauf stipulations contraires, ne pouvant toutefois être inférieures à 1.5 fois
le taux d’intérêt légal (fixé annuellement par décret), figurant dans les
conditions générales de vente ou dans une convention spécifique, le taux des
pénalités de retard est équivalent à celui appliqué par la banque centrale
européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points.
Exemple de calcul :
Pour l’année 2001, le taux d’intérêt légal étant de 4.26%, le minimum pour les
pénalités de retard est donc de 4.26% x 1.5 soit 6.39%.
Le taux appliqué sauf
disposition contraire sera fonction du taux publié par la BCE. Ainsi pour la
période comprise entre le 9 novembre 2001 et le 31 décembre 2001 le taux de la
BCE étant de 3.25% le taux des pénalités de retard sera donc de : 3.25% + 7 =
10.25%.
Sauf stipulations contraires figurant dans les conditions générales de vente ou
dans une convention spécifique, les délais de paiement de toutes marchandises ou
prestations de service sont fixés à 30 jours suivant la date de réception des
marchandises ou d’exécution de la prestation.
A la
« lumière » de ces dispositions, il est plus que probable que l’effet réducteur
des délais de paiement, escompté par le législateur, ne sera pas atteint puisque
la mise en œuvre de ces mesures repose sur un acte positif du créancier qui lui
fait courir un risque commercial indéniable. En effet, quel vendeur prendra le
risque de facturer des pénalités « aveuglément » à l’ensemble de sa clientèle ?
Encore plus illusoire, quel vendeur prendra le risque de poursuivre le
recouvrement forcé de ces pénalités de retard à l’encontre de l’ensemble de sa
clientèle ?
Par
ailleurs, il convient de souligner l’effet pervers de ces dispositions pour le
fournisseur. En effet, en instaurant un délai de paiement supplétif de 30 jours,
la loi NRE place le client dans une position de négociation des conditions de
paiement beaucoup plus favorable que sous l’empire des dispositions anciennes.
D’une position de demandeur de crédit, il se retrouve dans la situation de
bénéficiaire.
Enfin, le législateur brandit à nouveau la menace pénale, que de surcroît il
alourdit.
II/
Obligation de comptabiliser les intérêts de retard |
-
Cette obligation constitue une conséquence
nouvelle et directe de la rédaction retenue par le législateur français lors
de la transposition de la directive précitée. Selon l’article L441-6 du code
de commerce, disposition d’ordre public, les pénalités de retard sont
exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire. Par conséquent, le non-respect
des délais de paiement fait automatiquement naître une créance
nouvelle, accessoire et certaine. A la lumière des redressements fiscaux
ayant succédé à la loi de 1992, il semble prudent, voire avisé, de prendre en
compte cette créance dans le bénéfice imposable de l’exercice au cours duquel
le délai de paiement est dépassé.
En effet, l’entrée en vigueur
de la loi précitée avait entraîné la réintégration des pénalités de retard non
comptabilisées dans l’assiette d’impôt sur les sociétés (IS) des entreprises
négligentes ou « naïves ».
Certes, sous l’empire de ces
dispositions, il demeurait la possibilité de ne pas comptabiliser, et partant de
ne pas facturer, le montant des pénalités de retard (sous la réserve de ne pas
le faire de manière sélective, ceci constituant une infraction aux règles de la
concurrence). Il suffisait de préciser dans les conditions générales de vente
que les pénalités étaient dues après une mise en demeure.
L’entreprise pouvait dès lors
ne pas comptabiliser les pénalités de retard pourtant prévues dans ses documents
contractuels.
En revanche, si une clause
précisait que les pénalités étaient dues de plein droit et sans mise en demeure,
l’administration fiscale considérait qu’elles devaient obligatoirement être
comptabilisées, même si elles n’étaient pas recouvrées.
En effet, l’administration, conformément à l’instruction du 7 mai 1997
(4-A-9-97), avait admis que les créances afférentes aux pénalités pouvaient
n’être prises en compte qu’au seul titre de l’exercice au cours duquel le client
a été mis en demeure par son fournisseur d’effectuer le règlement convenu. Mais
l’administration s’était aussitôt empressée de préciser que cette règle n’était
pas applicable lorsqu’une clause du contrat de vente stipulait que les pénalités
en cause étaient dues sans mise en demeure préalable.
Dorénavant, puisque les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel
soit nécessaire, cette créance naîtra de plein droit et devra être prise
en compte dans le bénéfice imposable. Cette disposition étant d’ordre public,
l’entreprise n’aura d’autre choix, au moment du paiement tardif dans l’exercice
de naissance de la créance, que d’arrêter le montant des pénalités dues, les
comptabiliser et idéalement les facturer. De la même manière, si la créance n’a
pas été réglée à la clôture de l’exercice, l’entreprise devra arrêter
provisoirement le montant des pénalités de retard à la date de clôture de
l’exercice, les comptabiliser et idéalement les facturer.
En cas de non-respect de cette obligation, l’administration fiscale pourrait
redresser l’entreprise créancière en réintégrant dans son assiette d’imposition
les factures non émises et, dans le cas de créances principales passées en
pertes et profits, concomitamment, réclamer la TVA indûment déduite.
L’essentiel à retenir est que l’administration fiscale conditionne la faculté
d’abandonner la créance des pénalités à sa comptabilisation préalable. Dès lors,
en cas de contrôle, les entreprises n’ayant pas pris le soin de comptabiliser,
et idéalement facturer ces pénalités, prendront le risque induit de
l’impossibilité de les abandonner. D’un point de vue strictement théorique, le
risque couru paraît d’autant plus inutile que les effets de cette créance sur l’IS
seront neutralisés par le jeu des provisions comptables.
· Il
reste qu’il faudra régulariser cette situation comptable provisoire, soit en
procédant à une reprise de provision dans l’hypothèse de paiement des pénalités
de retard, soit lors de la constatation de l’irrécouvrabilité définitive de la
totalité (principal et pénalités) ou d’une partie (pénalités) de la créance.
Toutefois, et sous réserve de la comptabilisation des pénalités de retard, il
semble, au vu de la doctrine administrative, que leur abandon soit toléré sous
réserve de l’existence d’intérêts commerciaux le justifiant. Mais cet abandon
des pénalités de retard ne doit pas être constitutif d’une discrimination
abusive pour les agents de la concurrence.
Cependant, en cas d’abandon en masse des pénalités de retard, on peut
légitimement douter de la “bienveillante” tolérance administrative car alors la
justification, sur le fondement des intérêts commerciaux, semble plus fragile.
D’une manière générale, l’on
ne peut que regretter la position du législateur français, lequel a dénaturé la
directive européenne du 29 juin 2000 en la transposant. En effet, l’exigibilité
de plein droit des pénalités de retard était une disposition supplétive à
laquelle les parties pouvaient déroger.
Par ailleurs, la loi NRE
restaure la menace fiscale et partant, induit un accroissement majeur des
opérations administratives et comptables pour les créanciers, ainsi qu’une
inutile et lourde adaptation de l’outil informatique pour la plupart d’entre
eux.
Enfin,
en fixant un taux de pénalités de retard supplétif bien supérieur à l’ancien, la
loi sanctionne indirectement tous les fournisseurs qui n’auront pas prévu un
taux dérogatoire inférieur. Le montant du redressement possible pour tous ceux
qui n’auront pas pris soin de comptabiliser les pénalités de retard en sera
d’autant plus conséquent. A l’inverse, pour ceux qui auront satisfait à
l’obligation de comptabilisation, la justification de l’irrécouvrabilité de leur
créance de pénalités par un prestataire externe (collaboration pouvant s’avérer
nécessaire compte tenu de la masse potentielle et du risque au regard des agents
de l’administration fiscale et de la concurrence) sera d’autant moins aisée que
leur montant sera élevé. En effet, est-il besoin de rappeler que la tolérance
administrative en matière de motivation d’irrécouvrabilité définitive d’une
créance, dans l’hypothèse où toutes les voies de droit n’ont pas été épuisées,
est liée à l’importance des sommes en jeu.
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