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Revue de Presse

du  01/07/2008  par   Dominique Désiré  ERENON
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La CPI et les crimes internationaux allégués en RCA durant le conflit militaro-politique de 2002-2003 : une procédure judiciaire plombée ab initio ou à l'issue incertaine ?
 

 

 

Thème: International  

Publié sous la responsabilité rédactionnelle de l'auteur.

Contexte général de la situation

Le 22 mai 2007, la Cour Pénale Internationale (CPI) a décidé d’ouvrir une enquête en République Centrafricaine, en application de l’article 53 du statut de Rome . Cet instrument juridique international qui crée et définit les règles de fonctionnement de la Cour Pénale Internationale, a été adopté le 17 juillet 1998 à Rome et est entré en vigueur le 1er juillet 2002, après que le 60ème instrument de ratification ait été enregistré. La RCA quant à elle est membre de la CPI depuis le 3 octobre 2001, date à laquelle son Gouvernement a ratifié le Statut de Rome. Au-delà du statut d’Etat partie ou d’Etat membre conféré à la RCA, cette ratification donne ipso facto compétence à la CPI à l’égard de la RCA pour mener des enquêtes et éventuellement des poursuites au sujet de tous les crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis sur le sol Centrafricain.

Le 22 décembre 2004, le Gouvernement de la RCA a renvoyé au Procureur de la CPI, l’affaire dite des graves crimes internationaux présumés durant 2002-2003 en Centrafrique. Après avoir ouvert une procédure judicaire en interne à ce sujet, l’affaire a été transmise au Bureau du Procureur de la CPI. Ce renvoi a consisté à attirer l’attention du Procureur de la CPI sur des renseignements relatifs aux allégations de crimes et aux procédures engagées par les autorités judiciaires nationales. Par ailleurs, les prétendus crimes commis en RCA ont également fait l’objet de rapports établis et adressés séparément au Procureur de la CPI par plusieurs Organisations Non Gouvernementales (ONG) et Organisations Internationales. En avril 2006, la Cour de Cassation Centrafricaine notifiait à la CPI que les autorités Centrafricaines étaient dans l’incapacité de mener à bien les procédures nécessaires c'est-à-dire rassembler des preuves et poursuivre les accusés.

Les prétendus crimes en RCA auraient été commis à grande échelle lors du conflit armé de 2002-2003 ; il s’agirait en effet de crimes graves tels que des assassinats, des actes de pillage et des viols perpétrés pour l’essentiel à l’occasion des combats d’octobre à novembre 2002, puis de février à mars 2003. Les combats en question opposaient la rébellion du Général François BOZIZE aux Forces Armées Centrafricaines (FACA) épaulés par les hommes de Jean-Pierre BEMBA venus du Congo Démocratique voisin. Les crimes les plus commis auraient été des sévices sexuels infligés aux civils y compris des personnes âgées. Ces cas de viols ont été chiffrés à 600 après une enquête préliminaire échelonnée sur cinq (5) mois seulement. Les actes en question auraient été perpétrés avec une cruauté inouïe, par exemple en public, en présence de tiers, en obligeant des proches à y prendre part. Plusieurs victimes auraient été infectées par le VIH. Les crimes allégués auraient eu lieu à Bangui et ses environs ainsi qu’en provinces. Il ne fait point de doute que ces actes sont d’une gravité extrême et suffisante pour que la justice s’en saisisse à la fois au nom du peuple Centrafricain et de l’humanité toute entière.

Le Bureau Extérieur de la CPI a été installé le 18 octobre 2007 à Bangui par le Greffier de la Cour, M. Bruno Cathala. Il s’agit là du cinquième Bureau Extérieur de la CPI en Afrique . Les enquêtes de la CPI ont déjà commencé sur le terrain en RCA ; à l’issue de celles-ci et strictement sur la base des éléments recueillis, il appartiendra au Procureur de la CPI, s’il le juge nécessaire, de saisir ou non les chambres de la Cour pour que soient jugés par des juges indépendants et au cours d’un procès public, les auteurs des crimes allégués. Il importe donc de relever que les enquêtes en cours en RCA ne déboucheront pas nécessairement sur des poursuites judiciaires.

A ce stade de la situation centrafricaine de 2002-2003 saisie par la CPI, deux hypothèses doivent être considérées : primo, les enquêtes ne donnent lieu à aucune poursuite, faute d’éléments de preuves suffisants des crimes présumés ; secundo, elles donnent lieu à la décision de la CPI de déclencher des poursuites contre des individus dont les noms auraient été cités par les rapports des enquêteurs de la grande institution planétaire anti-impunité, au chapitre des auteurs ou des complices des crimes allégués. La première hypothèse ne suscite guère d’intérêt dans le cadre de cette réflexion, l’affaire devant alors être tout simplement classée parce que basée sur des faits révélés inexacts ou inexistants. Par contre, la seconde hypothèse mérite que l’on s’y attarde, car elle signifierait qu’il y’a aujourd’hui sur le sol Centrafricain et parmi des Centrafricains des génocidaires, ou des criminels contre l’humanité, ou encore des criminels de guerre, ce qui serait intolérable sur la terre de Barthélémy BOGANDA, Père de la Nation Centrafricaine qui a choisi, à travers la Devise nationale , d’accorder à la Dignité Humaine une place éminente parmi les valeurs du pays. Au regard des crimes allégués, l’on est en droit de s’interroger légitimement sur les questions de savoir ce que les successeurs de Boganda ont fait de cette valeur sacrée de l’humanité et de ce que représente à leurs yeux la vie humaine.

I/ LA RECEVABILITE DE LA SITUATION CENTRAFRICAINE DE 2002-2003 ET
EVENTUELLEMENT DE L’AFFAIRE DEVANT LA CPI

Il faut d’emblée préciser que les termes « Situation » et « Affaire » » n’ont pas la même signification ; pour la CPI, « Les situations, généralement définies par des paramètres temporels, territoriaux et éventuellement personnels, telle que la situation sur le territoire de la République démocratique du Congo depuis le 1er juillet 2002, font l’objet de procédures prévues par le Statut afin de décider si une situation donnée doit faire l’objet d’une enquête pénale, et de l’enquête en tant que telle. Les affaires, comprenant des incidents spécifiques au cours desquels un ou plusieurs crimes de la compétence de la Cour semblent avoir été commis par un ou plusieurs suspects identifiés, font l’objet de procédures qui ont lieu après la délivrance d’un mandat d’arrêt ou d’une citation à comparaître.» Le terme « Situation » est alors approprié pour évoquer la procédure ouverte par la CPI en RCA depuis le 22 mai 2007. On ne parlera « d’Affaire » que dès l’instant où le Procureur déclenchera des poursuites contre les auteurs des crimes allégués. Qu’il s’agisse « de situation » ou « d’affaire », le mandat de la CPI est circonscrit dans le temps et l’espace par le traité international l’ayant institué. En l’espèce, il ne fait point l’ombre d’un doute que la CPI est compétente à l’égard des crimes présumés durant le conflit de 2002-2003.

A/ L’incontestable compétence rationae temporis de la CPI à l’égard de la situation
Centrafricaine de 2002-2003

Les crimes allégués auraient été commis entre 2002 et 2003, c'est-à-dire après la création de la Cour. De plus, au moment de la ratification de l’instrument juridique international créant la Cour, la République Centrafricaine n’a pas émis, comme le suggère pourtant l’article 124 du Statut de Rome, une suspension dans le temps de la compétence de la Cour à son égard du moins pour quelques années.

1° Des crimes réputés commis après l’entrée en vigueur du Statut de Rome instituant la
CPI

Aux termes de l’article l1 du Statut de Rome, seules relèvent de la compétence de la Cour, les infractions commises après l’entrée en vigueur du traité instituant la Cour, c'est-à-dire après le 1er juillet 2002. Or, la situation Centrafricaine déférée à la Cour couvre la période 2002-2003. Le conflit avait été déclenché avec la délivrance par le Procureur Général Joseph BINDOUMI du mandat d’emmener du Chef d’Etat Major Général des Forces Armées Centrafricaines, le Général François BOZIZE, soupçonné de participation au sanglant coup d’Etat manqué du 28 mai 2001, ou du moins d’avoir implicitement apporté sa bénédiction à l’acte subversif. Avant de quitter le pays en novembre 2001, de trouver dans un premier temps un refuge au Tchad puis un asile politique en France, le Général BOZIZE avait d’abord, aux abords de sa résidence du PK 12 (située à la sortie nord de Bangui, à proximité du camp militaire abritant les éléments du RDOT), opposé une résistance farouche aux éléments de la Garde Présidentielle appuyés par les soldats libyens venus l’arrêter en exécution du mandat du Procureur. A partir du Tchad voisin, le Général BOZIZE effectue vainement le 25 octobre 2002 un raid sur Bangui, avec pour objectif principal le renversement du Président Ange Félix PATASSE. C’est à partir de cette date que devaient s’enchaîner des incursions et attaques militaires des « Libérateurs » du Général BOZIZE au nord du pays, des combats avec les Forces Armées Centrafricaines.

La CPI devrait logiquement, s’agissant à proprement parler des crimes allégués, fixer le point de départ de ses enquêtes en Centrafrique à partir du 25 octobre 2002. Mais elle ne pourrait pas ne pas, dans le souci de la manifestation de la vérité, remonter à la période d’après le 28 mai 2001, plus précisément les raisons et les circonstances de l’arrestation manquée du Général François BOZIZE et son départ vers le Tchad en novembre 2001. Il ne s’agira pas de s’intéresser au coup d’Etat manqué du 28 mai 2001. Que tous ceux qui ont participé de près ou de loin au coup d’Etat manqué du 28 mai 2001 soient rassurés. Ni les préparatifs ni les circonstances du coup d’Etat manqué du 28 mai 2001 ne tombent sous le coup de la procédure ouverte par la CPI. Mais il s’agira pour l’organisation planétaire anti-impunité, dans l’exercice de sa compétence rationae temporis, de remonter jusqu’au au vrai point de départ du conflit militaro-politique de 2002-2003, dans l’intérêt supérieur de la manifestation de la vérité.

2° L’inapplicabilité de l’article 124 en l’espèce et l’imprescriptibilité des crimes allégués

La compétence rationae temporis de la Cour dans le dossier Centrafricain de 2002-2003 est renforcée par deux autres éléments. Tout d’abord par l’inapplicabilité en l’espèce de l’article 124 du Statut de Rome : le Gouvernement n’a pas fait une déclaration le soustrayant de la compétence de la Cour pendant un délai de sept ans à compter de l’entrée en vigueur du Statut en ce qui concerne les crimes de guerre . De plus, c’est le Gouvernement Centrafricain qui a saisi le Procureur de la CPI aux fins d’ouverture d’enquête. Au regard des développements qui précèdent, la Cour Pénale Internationale est bel et bien compétente à l’égard de la situation Centrafricaine de 2002-2003.

De plus, et classiquement, les infractions alléguées sont imprescriptibles au sens de l’article 29 du Statut . Il sera toujours possible d’engager des poursuites judiciaires contre les éventuels auteurs des crimes allégués en Centrafrique, même après un laps de temps long. L’imprescriptibilité, constitue pour l’humanité entière, une belle et nécessaire immunité contre l’exécrable impunité des plus grands criminels. Tant qu’ils seraient en vie, les auteurs des infractions alléguées seraient alors recherchées par la Cour, arrêtées, jugées et au besoin condamnées. En vertu de ce principe, les Etats parties sont tenus de coopérer, à travers leurs différentes législations et spontanément, tant en ce qui concerne les poursuites qu’en ce qui concerne la peine. Dans les pays de droit romain comme la France et la République Centrafricaine où il existe une prescription en matière criminelle, elle n’est plus invocable s’agissant des crimes relevant de la compétence de la CPI.

B/ L’absolue compétence rationae materiae de la CPI à l’égard des crimes allégués en
RCA

Si la CPI décide un jour d’engager des poursuites sur les crimes allégués en République Centrafricaine, elle devrait alors procéder à des qualifications juridiques des faits recueillis lors des enquêtes de terrain. Il faut savoir que la compétence rationae materiae de la CPI engobe quatre grandes catégories de crimes, considérés comme les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale : le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression.

Faute de définition lors de la Conférence de Rome, le crime d’agression prévu à l’article 5 & 1 d du Statut de Rome que conformément aux articles ne sera pas logiquement pris ici en compte dans le cadre de cette réflexion. La définition de ce crime international sera au menu de la Conférence de Révision qui devrait avoir lieu en 2009, conformément aux 121 et 123 du Statut de Rome.

1) L’improbable conclusion à priori à des « crimes de génocide » commis en Centrafrique courant 2002-2003

Le crime de génocide est défini à l’article 6 du Statut de Rome. Par crime de génocide, on entend l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : meurtre de membres du groupe ; atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

Ainsi, les crimes présumés en Centrafrique sur la période 2002-2003, doivent matériellement correspondre à l’une quelconque des énumérations de l’article 6 susmentionné. S’il est allégué qu’il y’aurait eu des « meurtres » (article 6 point a), « des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale des personnes » (article 6 point b), il n’en demeure pas moins vrai qu’à ce jour, il n’a jamais été évoqué ou établi, ni par les victimes, ni par la CPI, ni par les ONG internationales, que ces actes meurtriers et attentatoires à l’intégrité physique ou mentale des individus, auraient visé un groupe ethnique, racial, religieux, ou politique précis. Par ailleurs, il n’a jamais été affirmé qu’il y’aurait eu durant le conflit 2002-2003 la « soumission intentionnelle d’un groupe quelconque à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » (article 6 point c), ni de « mesures visant à entraver les naissances au sein d’un groupe » (article 6 point d) et ni de « transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre groupe » (article 6 point e).

En l’absence de groupe clairement identifié et visé par les auteurs des crimes présumés sur la période 2002-2003, la qualification de crimes de génocide est juridiquement et absolument impossible. En clair, il faut : premièrement, que les victimes centrafricaines appartiennent à un groupe particulier et aient été visées pour cette raison même ; deuxièmement, que les crimes laissent entrevoir ou indiquer une intention de détruire le groupe comme tel et pas seulement ses membres pris individuellement.

L’on a appris que l’Eglise Catholique de Bossangoa aurait enregistré de nombreuses pertes humaines et matérielles ; la CPI pourrait-elle alors par exemple, à l’issue des enquêtes en cours, conclure alors à des actes génocidaires contre l’Eglise Catholique Centrafricaine courant 2002-2003 ? Cela parait peu probable pour deux raisons : tout d’abord, les allégations de pertes humaines et matérielles enregistrées par l’Eglise Catholique à Bossangoa ne se sont pas, à ma connaissance, produites contre l’Eglise Catholique dans les autres localités affectées par le conflit de 2002-2003. Ensuite et enfin, on ignore totalement à ce jour l’identité réelle des auteurs des crimes allégués (par exemple appartenance à un groupe précis ou agissant au nom et pour la cause d’un groupe quelconque). En effet, pour qu’il y’ait génocide, il faudrait que les auteurs intellectuels et matériels aient tous intérêt à la disparition ou à la persécution du groupe visé. En l’espèce, il faudrait arriver à établir que l’Eglise Catholique était spécialement et systématiquement visée dans les zones du conflit et que les auteurs des attaques étaient par exemple membres d’une confession religieuse et agissaient pour le compte de celle-ci. De toute façon, les crimes humains et matériels qui auraient touché le Diocèse de Bossangoa, à défaut d’être qualifiés d’actes génocidaires, pourraient très bien être considérés par la CPI comme des crimes contre l’humanité ou crimes de guerre, si d’aventure ils devaient être confirmés par les enquêteurs de la CPI.

Le génocide apparait comme un crime spécifique par rapport aux autres crimes contre l’humanité. Le crime de génocide n’est constitué qu’en cas de réunion de plusieurs éléments :
a) Une destruction biologique immédiate ou différée : il ne s’agit pas simplement d’assassinat ; il peut englober des actes, des mesures et plans n’impliquant pas la mort immédiate mais susceptibles de provoquer à terme la disparition du groupe en tant que tel.
b) Une destruction d’un groupe en tant que tel : les actes doivent viser les individus non pas en tant qu’individus mais en tant que membres d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux. En l’espèce, cette hypothèse n’est pas envisageable, au vu des actes allégués.
c) Une destruction totale ou partielle du groupe : les actes doivent avoir été commis dans l’intention de détruire ce groupe en tout ou en partie. Ce critère pose un problème d’interprétation, mais on doit s’accorder au moins sur l’idée que l’intention de détruire doit concerner une partie substantielle du groupe visé. Cette partie substantielle peut s’évaluer quantitativement (nombre important de victimes par rapport au groupe, par exemple quatre personnes travaillant tous pour le compte de l’Eglise Catholique de Bossangoa, nombre très insignifiant en l’espèce au regard de la majorité de chrétiens catholiques à Bossangoa) ou qualitativement (statut des victimes au sein du groupe, par exemple le prêtre Jean-Claude KILAMONG, Curé de KABO et Monsieur Raymond DAKE, Journaliste à la Radio Catholique N’Doyé).
d) La preuve de l’intention spécifique de détruire : il est nécessaire de prouver l’existence d’une intention spécifique de détruire, au-delà des individus, un groupe en tant que tel ; une tâche pas du tout aisée pour les juges qui doivent en l’espèce s’en remettre à leur intime conviction. Il faudrait prouver en l’espèce qu’il y’avait un plan concerté de destruction d’un groupe spécifique.

En conclusion et en considération des indications et informations aujourd’hui disponibles sur la situation Centrafricaine de 2002-2003, l’éventualité d’une qualification par la CPI de crimes de génocide n’est pas envisageable. Mais, il se pourrait que les enquêtes en cours nous démontrent le contraire.




2° La plausible qualification de « crimes contre l’humanité » commis en Centrafrique courant 2002-2003

Les crimes contre l’humanité sont longuement énumérés à l’article 7 du Statut de Rome. « Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque : Meurtre ; Extermination ; Réduction en esclavage ; Déportation ou transfert forcé de population ; Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; Torture ; Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ; Disparitions forcées de personnes ; Crime d’apartheid ; Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale… ».

Si l’on s’en tient aux déclarations des victimes centrafricaines et aux documents d’information de la CPI , il y’aurait eu, durant les hostilités de 2002-2003 mettant aux prises la rébellion dirigée par le Général François BOZIZE et les Forces Armées Centrafricaines (FACA) appuyées par les rebelles du Mouvement de Libération du Congo Démocratique de Jean-Pierre BEMBA, des viols et autres sévices sexuels à grande échelle infligés aux civils y compris des personnes âgées, avec une cruauté inouïe, par exemple en public, en présence de tiers ou en obligeant des proches à y prendre part ; plusieurs victimes auraient par la suite été infectées par le VIH et auraient attrapé des grossesses forcées ; il y’aurait eu des meurtres, des cas de torture et autres traitements cruels inhumains et dégradants ; il y’aurait eu plusieurs cas de disparitions et d’enlèvements de personnes civiles.

Tous ces actes sont susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité. Mais là encore, tout dépendra des enquêteurs de la CPI aujourd’hui à pied d’œuvre en Centrafrique, depuis l’ouverture à Bangui du Bureau Extérieur de l’Organisation planétaire anti impunité.

3° La probable qualification de « crimes de guerre » commis en Centrafrique entre 2002 et 2003

L’article 8 sur les crimes de guerre est encore plus long et complexe. Il énumère tout d’abord les « infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 » (article 8, § 2 a). L’article 8 énonce ensuite « les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international » (article 8, § 2 b). Le crime de guerre peut être commis aussi bien dans le cadre d’un conflit armé international qu’interne comme le confit armé de 2002-2003 en Centrafrique.
Le crime de guerre est constitué de l’un quelconque des éléments ci-après : de l’homicide intentionnel ; de torture ou de traitements inhumains ; le fait de causer de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé ; la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires ; le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les forces d’une puissance ennemie ; les prises d’otages ; le fait de diriger des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement aux hostilités ou encore des biens de caractère civil c'est-à-dire des biens qui ne sont pas objectifs militaires ; le fait d’attaquer ou de bombarder des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas des objectifs militaires ; le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science, aux monuments historiques et hôpitaux ; le fait de commettre des viols et de causer des grossesses forcées. Seules sont autorisées en temps de guerre, les attaques dirigées contre des objectifs militaires .

L’opinion nationale et internationale régulièrement informée de l’actualité politique Centrafricaine au cours de la période 2002-2003, sait qu’il y’a eu des actes correspondant aux énumérations de l’article 8 du Statut de Rome susmentionné. Monsieur Prosper NDOUBA, alors Conseiller en Communication, Porte Parole de la Présidence de la République avait été capturé le 25 octobre 2002, maintenu en otage en brousse avant d’être libéré le 02 décembre 2002 , grâce à la médiation du CICR qui a réussi à arracher un accord entre l’Etat Centrafricain et le Général François BOZIZE. A Bossangoa, on aurait dénombré plusieurs exécutions sommaires perpétrées à l’encontre des civils par des éléments armés ; la Société Cotonnière Centrafricaine (SOCOCA) aurait été complètement anéantie et plusieurs véhicules lui appartenant auraient été emportées. Le diocèse de Bossangoa aurait été aussi touché : en plus des assassinats le 9 décembre 2002 de l’Abbé Jean-Claude KILAMONG (Curé de Kabo à l’époque) , du sieur Raymond DAKE et de deux autres personnes , des informations avaient aussi fait état de ce que des missionnaires notamment les Frères Capucins (Italiens pour la plupart) auraient été ligotés, frappés et torturés ; l’hôpital régional de Bossangoa notamment le bloc opératoire, le dépôt pharmaceutique préfectoral, les centres de santé, la léproserie Raoul Follereau, le Centre Pierre Ndjogombe, les bureaux administratifs, les installations de la SODECA et SOCATEL , les maisons des notables et des autorités, les presbytères et les maisons religieuses, le garage de l’Evêché auraient été saccagés. De même, à Paoua , l’hôpital aurait été aussi mis à sac ; à Paoua et Bozoum, les projets de coopération Centrafricano-Allemande GTZ, DROP, ACADOP auraient été détruits et leurs biens essentiels appropriés par des inconnus. A NDIM et GUIFFA, des sociétés d’égrenage de coton auraient également été saccagées. La société Japonaise KAJIMA basée entre Yaloké et Bossemptélé, aurait été chambardée. On sait que, peu après le 15 mars 2003, l’Allemagne et le Japon avaient suspendu leurs relations diplomatiques avec la République Centrafricaine, sans en avouer les raisons . Dans les villages et localités situées dans l’Ouham Pendé, l’Ouham, la Nana-Gribizi, la Kemo-ibingui, les biens publics, les biens privés de ces populations auraient été copieusement pillés, en plus de la terreur et de la peur auxquelles elles auraient été soumises.

Toutes ces allégations de crimes et délits ci-dessus énumérées rentrent parfaitement dans la catégorie des actes énoncés par l’article 8 &2 du Statut de Rome. Il apparait alors très plausible que la CPI, au terme des enquêtes en cours, retienne la qualification juridique de « crimes de guerre ». Attendons donc le rapport des enquêteurs de la Cour Pénale Internationale. C’est ce document de la Cour qui devra confirmer ou infirmer les différentes allégations en question.

Si, comme précédemment démontré, il est possible que la CPI déclenche un jour des poursuites judiciaires pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis en Centrafrique durant le conflit militaire de 2002-2003, c’est donc très légitimement qu’il y’a lieu de s’interroger déjà sur l’identité éventuelle des accusés, mais dans le respect strict de la présomption d’innocence. Seule la CPI procédera à la citation des individus à comparaître devant elle, sur la base des éléments qui seront fournis par les enquêtes déjà en cours. Il ne sera donc pas question ici de citer des noms mais on sait tout de même que des individus qui seraient poursuivis ne peuvent que provenir du milieu des différentes parties au conflit militaro-politique « centrafricano-centrafricain » au départ, mais ayant pris par la suite une dimension internationale du moins sous-régionale par la diversité des acteurs.

C) La compétence certaine rationae personae et rationae loci de la CPI à l’égard des crimes présumés en Centrafrique entre 2002-2003

Cette compétence rationae personae et rationae loci est fondée sur ce que les crimes allégués ont été commis primo par des individus et secundo sur le territoire d’un Etat partie du Statut de la CPI.

1° Des individus comme auteurs des crimes allégués en Centrafrique

L’article 25 du Statut de Rome consacre le principe de la responsabilité pénale individuelle. La CPI est compétente non à l’égard des Etats mais uniquement à celui des individus, c’est à dire des personnes physiques ayant commis des crimes en vertu du Statut de Rome ; que ces personnes physiques aient agi individuellement, conjointement avec une autre personne ou par l’intermédiaire d’une autre personne ou que ces individus aient ordonné, sollicité ou encouragé la commission de ces crimes, ou encore facilité la commission des crimes, apporté leur aide, leur concours ou toute autre forme d’assistance à la commission de ces crimes, y compris en fournissant les moyens de cette commission. Par conséquent, dans l’hypothèse d’une poursuite, seraient inopérants devant la CPI, des arguments tendant à prouver que les crimes auraient été commis au nom d’une institution même légale (Etat, Gouvernement, Forces Armées Centrafricaines, FOMUC ou contingent militaire Libyen en mission officielle à Bangui) ou illégale (rébellions ou prétendus mouvements de libération). En revanche, la Cour est incompétente à l’égard des mineurs au moment de la commission des crimes .

2° Des crimes commis sur le territoire d’un Etat partie, la République Centrafricaine

Quant à la compétence rationae loci, la Cour ne peut exercer sa compétence que si le crime a été perpétré sur le territoire d’un Etat partie ou si la personne accusée du crime est un ressortissant d’un Etat partie (art. 12 du Statut). Lorsqu’une situation est déférée au Procureur par le Conseil de Sécurité de l’ONU, il est ipso facto fait échec aux dispositions de l’article 12 du Statut (art. 13 b). Et la Cour peut ouvrir une enquête sur les infractions alléguées ; à titre d’exemple, la résolution 1593 du Conseil de Sécurité en date du 31 mars 2005 relative aux crimes commis de guerre commis au Darfour (Soudan).

Il convient de rappeler que, les crimes présumés en Centrafrique au cours de la période 2002-2003 se seraient produits lors du conflit militaro-politique qui opposait le régime du Président Ange Félix PATASSE au Général François BOZIZE. Ce conflit armé était tout d’abord strictement interne à la Centrafrique, avant d’épouser une dimension internationale du moins sous-régionale du fait de la diversité des acteurs. D’un côté, il y’avait les Forces Armées Centrafricaines (FACA) fidèles au Président PATASSE ; celles-ci étaient renforcées : d’abord par des soldats Libyens stationnés à Bangui immédiatement après le coup d’Etat manqué du 28 mai 2001 revendiqué par le Général KOLINGBA ; ensuite par les hommes du Mouvement de Libération du Congo (MLC) dirigé par Jean-Pierre BEMBA, lesquels étaient venus après le coup d’Etat manqué du 25 octobre 2002 du Général François BOZIZE. De l’autre côté, il y’avait les troupes du Général François BOZIZE censé vivre en exil en France à l’époque. Le 15 mars 2003, les hommes du Général rentraient triomphalement à Bangui en plein jour alors que le Président était au Sommet de la CEN SAD au Niger et en dépit de la présence de la Force de la CEMAC (FOMUC), totalement indifférente en « raison de l’absence du Président PATASSE au pays » ; les « Libérateurs » comme ils s’étaient baptisés eux-mêmes, étaient en partie, soutenus militairement (équipements et hommes) par le Tchad où ils avaient leur base arrière et faisaient régulièrement des déclarations sur les ondes internationales telles que Radio France Internationale (RFI). Un tel soutien ne paraît guère étonnant, puisque le Président Tchadien Idriss DEBY ITNO était déjà en conflit ouvert avec son homologue Centrafricain, bien des mois avant le 15 mars 2003.

De ce qui précède, il s’en suit que l’identification des éventuels auteurs des crimes présumés se ferait de façon incontournable parmi les individus ayant pris part, de près ou de loin, au conflit de 2002-2003. Il pourrait alors s’agir de certains responsables politiques et militaires étatiques Centrafricains, certains éléments de la rébellion dite des « Libérateurs », certains de la rébellion Congolaise du MLC dite des «Banyamulenge », certains éléments de la FOMUC et de la troupe Libyenne, certains Tchadiens ayant accompagné les « Libérateurs » jusqu’à Bangui.

Dans la situation Centrafricaine, il n’existerait à priori aucun obstacle juridique sérieux à l’exercice par la CPI de sa compétence rationae personae et loci. Les exigences posées à l’article 12 sont satisfaites en l’espèce. En effet, pour que la CPI exerce sa compétence, il suffit que : soit l’Etat de la nationalité de l’auteur du crime soit partie au Statut de Rome, c’est le cas des éventuels auteurs de nationalité Centrafricaine ; soit que l’Etat du lieu de la commission du crime soit partie au Statut de Rome, situation opposable aux éventuels auteurs tchadiens impliqués dans le conflit, des « Banyamulenge » de la rébellion Congolaise du MLC, des éléments de la FOMUC, et même des soldats de la Libye .

Toute personne qui viendrait à être inculpée par la CPI, ne pourrait se prévaloir d’une qualité officielle qu’elle aurait au moment de la commission des crimes relevant de la compétence de la Cour. Ce défaut de pertinence de la qualité officielle s’applique aux Chefs d’Etat ou de Gouvernement, de membres d’un Gouvernement ou d’un Parlement, de représentant élu ou d’agent d’un Etat, de Chef militaire, de subordonné ayant agi sur ordre d’un supérieur, de Chef d’une rébellion. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne.

Toutefois, la CPI pourrait accorder une exonération de la responsabilité pénale dans des cas assez précis tels la maladie, la déficience mentale, état d’intoxication, légitime défense, contrainte résultant d’une menace, état de nécessité, une erreur de fait si elle fait disparaître l’élément psychologique du crime, une erreur de droit si elle fait disparaître l’élément psychologique du crime ou si elle relève de l’article 33 et tous autres motifs qu’il appartient seul à la Cour de prendre en considération lors du procès.

II/ LE TRAITEMENT EVENTUEL DES ACCUSES ET LA SITUATION DES
VICTIMES DEVANT LA CPI

Devant la CPI, les victimes ont droit à un traitement particulier tandis que leurs bourreaux encourent des peines bien lourdes.

A/ Les peines encourues par les éventuels coupables des crimes allégués

Les peines applicables par la CPI pourraient produire, à l’égard de certains coupables notamment des politiques, des effets bien graves c'est-à-dire à la mesure de la gravité des crimes dont il s’agit.

1° La condamnation éventuelle à l’emprisonnement à 30 ans ou à perpétuité mais en aucun cas à la peine de mort

Le statut de Rome exclut la peine de mort. Les personnes qui viendraient à être déclarées coupables recevraient les peines que le Statut de Rome fixe lui-même : un emprisonnement de trente ans au plus ou un emprisonnement à perpétuité si l’extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient (article 77 & 1 du Statut) ; la Cour pourrait également prononcer des amendes fixées par le Règlement de Procédure et de Preuve (RPP) et la confiscation des profits et des biens tirés du crime (article 77 & 2 du Statut). Les modalités de la fixation des peines par la Cour sont définies aux articles 77, 78 et 118 du Statut et les articles 145, 146, 223 et 224 du Règlement de Procédure et de Preuve. Il résulte que la CPI est compétente pour prononcer trois peines : l’emprisonnement constitue la peine principale ; l’amende et la confiscation doivent être regardées comme des peines accessoires, accompagnant la peine principale et ne pouvant être prononcées indépendamment.


2° Une carrière politique anéantie pour les uns en cas de condamnation suite à une culpabilité établie

Les conséquences des éventuelles condamnations seraient bien amères particulièrement pour les personnes condamnées qui seraient des hommes politiques centrafricains. Dans l’hypothèse d’une condamnation à un emprisonnement à perpétuité ou à 30 ans d’emprisonnement, il serait alors fort improbable de retourner en politique. Et puis, même si la condamnation ne dure que quelques mois ou quelques années (1 à 3 ans par exemple), la personne ayant purgé sa peine sort de la prison avec une carrière politique plombée du fait de son casier judiciaire maculé du sang de ses victimes. Certains pourront discuter ce point de vue en s’appuyant sur l’exemple de Nelson MANDELA qui avait fini par être élu Président d’Afrique du Sud, après 27 ans passés en prison. Mais, la situation de ce dernier est tout à fait différente. MANDELA n’avait pas été en prison pour avoir commis un crime ou un délit quelconque ; son emprisonnement était purement politique, il combattait pour une cause légitime et juste, l’éradication du régime d’apartheid dans son pays. Commettre des crimes contre l’humanité et combattre un régime ségrégationniste, ce n’est pas la même chose.

B) La situation éventuelle des victimes centrafricaines des crimes allégués

Devant la Cour Pénale Internationale, le terme victime désigne « toute personne physique qui a subi un préjudice du fait de la commission d’un crime relevant de la compétence de la Cour ». L’article 85 b du Règlement de Procédure et de Preuve (RPP) de la CPI considère également comme victime, « toute personne ou institution dont un bien consacré à la religion, à l’enseignement, aux arts, aux sciences ou à la charité, un monument historique, un hôpital, ou quelque autre lieu ou objet utilisé à des fins humanitaires a subi un dommage direct ». Les Etats parties du Statut de Rome ont décidé d’autoriser la victime à participer à la procédure devant la CPI, à être informée du développement de celle-ci et d’obtenir une réparation éventuelle pour les préjudices subis.

1° Un droit de participation aux procédures (enquêtes et procès) devant la CPI

Les victimes peuvent être entendues en tant que témoins et peuvent demander à la Cour d’adopter des mesures de protection, incluant les auditions à huit clos. De même la Cour peut permettre que les dépositions soient recueillies par des moyens électroniques ou autres moyens spéciaux .

La victime bénéficie d’un droit, tout de même limité, à être informé et à participer au déroulement de la procédure pénale. En effet, la victime a le droit de soumettre ses observations si le Procureur venait à classer une affaire dans l’intérêt des victimes . S’agissant du recours contre la compétence de la Cour ou la recevabilité d’une affaire, les victimes ont le droit de soumettre leurs observations . Enfin, si le Procureur décidait de ne pas ouvrir d’enquête suite à un examen préliminaire, il est tenu d’informer les victimes lui ayant communiqué des informations . Lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, la Cour permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, à des degrés de la procédure qu’elle estime appropriés et d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial . La victime dispose de la liberté de choisir son conseil qui peut assister et participer à l’ensemble des auditions. La victime et son conseil peuvent soumettre leurs vues concernant l’imposition de conditions restrictives à la liberté de l’accusé (art. 119 du RPP), soumettre leurs observations concernant la modification des charges déjà confirmées par le Procureur (art. 93 et 128 du RPP). La victime et son conseil peuvent aussi exprimer leurs opinions concernant l’admission de la culpabilité de l’accusé (art. 93 et 139). Enfin, lorsque la Cour a l’intime conviction qu’une présentation des faits de la cause est nécessaire dans l’intérêt de la victime lorsque l’accusé reconnaît sa culpabilité, elle peut aussi demander au Procureur de présenter des preuves supplémentaires ou ordonner au procès de continuer sous une procédure ordinaire (art. 65 & 4 du Statut de Rome).

La participation des victimes aux procédures devant la CPI ci-dessus décrite est aujourd’hui une réalité depuis la Décision de la Cour Pénale Internationale, Chambre Préliminaire I en date du 17 janvier 2006, Situation en République Démocratique du Congo, N°ICC-01/04 . En l’espèce, les juges de la Chambre Préliminaire, rejetant les arguments avancés par le Procureur de la Cour et le Conseil ad hoc de la Défense, ont décidé de l’octroi du statut de victimes à six personnes, leur permettant ainsi de participer à la procédure au stade de l’enquête dans la situation en RDC. La dite décision spécifie que les six victimes, dans l’exercice de leurs droits procéduraux en vertu de l’article 68-3 du Statut, pourront, devant la Chambre Préliminaire et en relation avec l’enquête, présenter leurs vues et préoccupations, déposer des pièces et demander à la Chambre d’ordonner des mesures spécifiques. Elle confirme la nouvelle place des victimes dans la justice pénale internationale. Pour M. Sidiki KABA, président de la FIDH, elle constitue une première judiciaire internationale : « c’est la première fois que la violation des droits fondamentaux des victimes, les préjudices subis et leur droit à défendre leurs intérêts sont reconnus par un tribunal » .

2° Un droit à la réparation et à l’indemnisation

Le Droit International utilise un certain nombre de termes pour parler de la réparation des préjudices subis par les victimes de violations des droits de l’homme et du droit humanitaire . Il s’agit des termes d’indemnisation, de compensation, de restitution, de réhabilitation, de réadaptation et de satisfaction.

Les éventuelles victimes Centrafricaines pourraient prétendre à la réparation des préjudices qu’ils auraient subis durant le conflit armé de 2002-20030. En effet, l’article 75 du Statut de la Cour Pénale Internationale prévoit désormais la possibilité d’indemniser les victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. L’article 79 du même instrument juridique international de la CPI a créé un Fonds au profit des victimes et de leurs familles, géré selon des critères fixés par l’Assemblée des Etats parties. Ce Fonds a été mis en place en septembre 2002, est administré par un Conseil de Direction composé de cinq membres indépendants, élus par l’Assemblée des Etats parties pour un mandat de trois ans renouvelable une seule fois. Le Fonds est alimenté par les amendes et les biens confisqués aux accusés, par des contributions étatiques et celles d’organisations internationales, par des individus ainsi que par d’autres fonds alloués par l’Assemblée des Etats parties . L’indemnisation des victimes par la CPI peut être individuelle ou collective. Les sommes allouées sont versées aux victimes soit directement soit par le biais des organisations internationales ou nationales agréées par le Fonds.

L’indemnisation ne concerne pas seulement les victimes des crimes relevant de la compétence de la CPI. Elle peut être accordée aussi à des personnes arrêtées ou condamnée. L’article 85 du Statut de la CPI prévoit que : « Quiconque a été victime d'une arrestation ou mise en détention illégales a droit à réparation. Lorsqu'une condamnation définitive est ultérieurement annulée parce qu'un fait nouveau ou nouvellement révélé prouve qu'il s'est produit une erreur judiciaire, la personne qui a subi une peine en raison de cette condamnation est indemnisée conformément à la loi, à moins qu'il ne soit prouvé que la non-révélation en temps utile du fait inconnu lui est imputable en tout ou partie. Dans des circonstances exceptionnelles, si la Cour constate, au vu de faits probants, qu'une erreur judiciaire grave et manifeste a été commise, elle peut, à sa discrétion, accorder une indemnité conforme aux critères énoncés dans le Règlement de procédure et de preuve à une personne qui avait été placée en détention et a été libérée à la suite d'un acquittement définitif ou parce qu'il a été mis fin aux poursuites pour ce motif. »

C/ L’incertitude de l’issue judiciaire de la situation Centrafricaine de 2002-2003

En effet, si le Procureur de la CPI décide de poursuivre les auteurs des crimes présumés en Centrafrique, il se pourrait que sa décision se heurte à une double limitation.

1° Sur le plan juridique

Logiquement et sur le plan juridique, rien ne fait obstacle à ce que la CPI fasse son travail jusqu’au bout c'est-à-dire puisse enquêter sur les crimes allégués, déclencher des poursuites judiciaires, rechercher partout, arrêter, juger et condamner les accusés. Les personnes susceptibles d’être citées devant la CPI pourraient en effet ne pas être inquiétées car il est encore possible que la procédure déjà ouverte par le Procureur n’aille pas jusqu’à son terme pour deux raisons suivantes, prévues par le Statut de Rome lui-même. D’un point de vue juridique, les Etats parties, tirant les leçons des TPI, ont imposé dans le Statut de Rome créant la Cour, une « Chambre préliminaire » pour filtrer les initiatives de poursuite du Procureur, afin d’éviter toute procédure abusive. Il existe ici des risques de pression politique et diplomatique sur les juges de la Chambre Préliminaire pour qu’ils concluent à « une procédure abusive » de la part du Procureur concernant telle ou telle affaire. On doit ici s’en remettre à l’intégrité morale des juges face à des sollicitations allant dans le sens de l’impunité.

2° Sur le plan politique

Sur le plan strictement politique, cette affaire n’est pas simple car elle met en jeu des intérêts géostratégiques assez importants impliquant plusieurs pays et pas que des moindres. D’un point de vue politique, le Conseil de Sécurité de l’ONU garde le pouvoir de paralyser l’action du Procureur pour des raisons d’opportunité diplomatique. L’article 16 du Statut de Rome prévoit une procédure de « sursis à enquêter ou à poursuivre » par « une Résolution adoptée en vertu du chapitre VII de la Charte de l’ONU », pour une année renouvelable. Ainsi, au nom du « maintien de la paix », le Conseil de Sécurité peut interrompre le cours de la justice, mais pour ce faire, une décision positive doit être adoptée, impliquant une majorité qualifiée et un accord des cinq membres permanents. S’il s’avérait que, de par les personnes qui pourraient être citées (hauts responsables et dignitaires de plusieurs pays), de grands déballages pourraient surgir et compromettre des intérêts diplomatiques et géostratégiques des pays impliqués dans le conflit de 2002-2003, alors des pressions seraient probablement exercées de toutes parts pour que soient suspendues les procédures en cours. Cette hypothèse n’est pas négligeable.

L’article 16 du Statut de Rome constitue un mauvais article qu’il faut absolument extirper le plus tôt possible, lors de la Conférence de Révision dudit traité prévue en 2009. Il encourage l’impunité. Il protège les intérêts étatiques plutôt que l’intégrité physique et mentale des individus qui viendrait à être gravement atteinte par des crimes contre l’humanité, de génocide ou de guerre. Ne rimant ni avec l’intégrité humaine ni avec la dignité humaine, il constitue scandaleusement une entorse à la lutte contre l’impunité et doit être regardé comme nul et de nul effet parce que contraire à l’esprit et à la lettre des droits humains fondamentaux universellement reconnus.

Pour terminer avec notre sujet de réflexion, on parle aujourd’hui en Centrafrique de « CP I » ; et selon toute vraisemblance, on pourrait parler demain de « CP II » et après de « CE I » jusqu’à « CM II » . En effet, aujourd’hui, c’est la période 2002-2003 qui fait l’objet d’une procédure devant la CPI. Mais, on sait aussi que depuis 2004, des voix s’élèvent pour dénoncer fortement de graves crimes massifs dans les régions écumées par des rebellions armées dont les chefs aspirent à se retrouver dans le douillet fauteuil occupé actuellement par le Général d’armée François BOZIZE.


 

 


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