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Revue de Presse

du  26/09/2011  par   Adil  ELAABD

 

 

La procédure de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
 

 

 

Thème: Procédures Judiciaires  

Le droit marocain ne contient pas encore, en sein de son arsenal juridique, cette procédure dont bénéficié déjà l’accusé au États-Unis depuis très longtemps, et en France depuis la loi du 9 mars 2004 dite loi Perben II et également appelée « le plaider coupable ». Les américains l’appellent le plea bargaining, les italiens le pattegiamento, les français ont opté pour une appellation plus administrative, la procédure de jugement sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Quel que soit son nom, le plaider coupable à l’anglo-saxonne, qui permet au procureur de négocier avec le prévenu une peine moins sévère s’il reconnaît les faits, s’étend peu à peu aux pays de tradition juridique latine. Le plea-bargaining est né aux Etats-Unis au début du XXème siècle, pour des raisons pragmatiques, en raison de la surcharge des tribunaux incapables de traiter toutes les affaires devant un jury populaire. De nos jours 95/100 de leurs affaires pénales utilisent ce système, toutes les infractions, du meurtre au simple vol peuvent faire l’objet de cette procédure.

Peu à peu, l’apparition dans la procédure pénale d’aveu de culpabilité a séduit les systèmes judiciaires européens. Ainsi la CEDH dans un arrêt du 22 février 1980 DEWEER C. Belgique énonce que la transaction « présente pour les intéressés comme pour l’administration de la justice des avantages indéniables, qui ne se heurte pas en principe à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme ».

L’idée d’une justice négociée fait donc son chemin. En Espagne, la loi du 12 janvier 2000 permet au Ministère public d’abandonner les poursuites à l’égard d’un mineur, si celui-ci après avoir reconnu les faits accepte des mesures éducatives. Cette procédure est appelée la « Conformidad ».

La France semble également séduite par ce principe du plaider coupable avec l’émergence par la loi du 23 juin 1999 de la composition pénale. Dès son instauration Jean PRADEL dans une chronique Dalloz de 1999 n’a pas hésité à qualifier cette nouvelle procédure de « plea-bargaining à la française ».

Si la comparaison semble quelque peu excessive, il faut admettre que cette nouvelle procédure judiciaire revêt certaines caractéristiques d’une justice négociée qu’il convient d’étudier. Néanmoins il serait erroné de minimiser la spécificité française de ce plaider coupable fort singulier.
En outre l’apparition de cette nouvelle arme juridique semble aller de paire avec un mouvement récent des dix dernières années que M. PAPADOPOULOS qualifier de « désacralisation de la peine d’enfermement ».

Après cette petite idée historique, il serait intéressant de définir juridiquement le plea bargaining, de savoir quelles sont les conditions et les caractéristiques d’application ?, d’étudier les éléments positifs qu’il rapporte et qui peuvent être utiles pour la bonne administration de la justice, enfin essayer de connaître ses limites et ses inconvénients.

I. Définition de la procédure

Le plea bargain ou le plea bargaining est « un accord négocié entre un procureur et un accusé aux termes duquel l’accusé plaide coupable pour une infraction moindre, ou pour l’un de multiples chefs d’accusation, en échange d’une concession par le procureur, habituellement d’une peine moins sévère ou d’un abandon des autres chefs d’accusation» au terme d’une procédure plus ou moins informelle, scellé par une convention écrite présentée pour homologation au juge en audience publique, le procureur et l’avocat de la défense s’accordent sur une peine inférieure à la peine maximale prévue par la loi, en échange d’une renonciation de l’accusé à un procès avec jury et aux droits de la défense qui y sont attachés.

Ainsi, à partir du moment où le prévenu reconnaît les faits, la procédure est considérablement accélérée, puisque c’est le procureur qui propose une peine au prévenu qui, une fois homologuée par le président du tribunal ou le juge délégué par lui, est exécutoire comme un jugement.

Pourtant, le plea bargaining doit être analytiquement distingué du charge bargaining (négociation des poursuites), du fact bargaining (négociation des faits) et du sentence bargaining (négociation de la peine), même si ces trois procédures ont des points de ressemblance.

Le charge bargaining a comme objet de négociation non pas le plea initial de l’accusé, mais la nature de l’action publique mise en mouvement par le ministère public, le procureur accepte de ne pas retenir certaines charges contre l’accusé si celui-ci accepte de plaider coupable pour le reste des charges.

Le fact bargaining est une négociation entre le procureur et la défense portant sur les faits à qualifier pénalement, par laquelle le procureur accepte de ne pas retenir la totalité des faits pouvant être poursuivis en échange d’une acceptation de l’accusé de plaider coupable.

Enfin, la sentence bargaining est une négociation engagée normalement une fois la condamnation prononcée et avant le prononcé de la peine, par laquelle le procureur accepte de requérir une peine plus douce lorsque le condamné donne son aide à la justice ou accepte d’être soumis à une procédure accélérée.

Toutefois, il faut signer que même si la CRPC s'inspire des procédures anglo-saxonnes de « plaider coupable », elle s'en distingue sur un point essentiel : tandis que le « plea bargaining » autorise le juge à abandonner certaines charges en échange d'une reconnaissance de culpabilité sur d'autres faits et de l'acceptation de la peine prononcée, le principe même d'une négociation est écarté dans le cadre de la CRPC.
La « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » consiste donc à proposer à la personne mise en cause une peine allégée en échange d'une reconnaissance des faits qui lui sont reprochés. Proposé par le procureur, le « plaider coupable » se déroule uniquement en présence du prévenu et de son avocat.

Ses principaux objectifs:

1 - Alléger les audiences correctionnelles des affaires simples dans lesquelles les auteurs reconnaissent les faits et, ce faisant, diminuer les délais de jugement des juridictions répressives (chercher le désengorgement des dossiers et accélérer les procédures).

2 - Prononcé de sanctions plus efficaces, car l’acceptation de la peine par l’auteur des faits ayant préalablement reconnu sa culpabilité devrait améliorer son exécution.

II. Conditions et originalités de la procédure

La première condition qui nécessite l’application de cette procédure, et qui se distingue d’ailleurs de celle appliquée au Etats- unis, c’est quelle concerne uniquement les infractions punies d'une peine allant jusqu'à 5 ans de prison, ça veut dire les infractions les moins grave, (vol, conduite en état d'ivresse, abus de bien social…). Ainsi l’article 495-7 dispose : « Pour les délits punis à titre principal d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, le procureur de la République peut, d'office ou à la demande de l'intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.. ».

Alinéa 16 du même article écarte les peines qui ne peuvent être traitées par la nouvelle procédure : « Les dispositions de la présente section ne sont applicables ni aux mineurs de dix-huit ans ni en matière de délits de presse, de délits d'homicides involontaires, de délits politiques ou de délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale ».

Deuxièmement, la peine prononcée ne doit pas être supérieur à six mois d'emprisonnement ferme ni excéder la moitié de la peine encourue tout en pouvant être assortie, en tout ou partie, du sursis.

La troisième condition c’est que la CRPC n’est applicable qu’aux majeurs, et à certaines catégories de délits, l’article 495-16 exclut en effet expressément de son champ d’application les mineurs de moins de dix-huit ans et les délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale: « Les dispositions de la présente section ne sont applicables ni aux mineurs de dix-huit ans ni en matière de délits de presse, de délits d'homicides involontaires, de délits politiques ou de délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale ».

La quatrième condition, (la plus importante à notre avis), c’est le refus ou l’acceptation de la peine par la personne concernée, car lorsque l’auteur des faits, en présence de son avocat, accepte la peine proposée par le procureur, (il a dix jours pour y répondre) il est aussitôt présenté devant le président du tribunal de grande instance, ou le juge délégué par lui, aux fins d’homologation de ladite peine.

En cas de refus de la sanction proposée par le procureur, que celui-ci résulte d’une décision du prévenu ou du refus d’homologation par le juge du siège saisi, le procureur peut, soit traduire immédiatement le prévenu devant le tribunal correctionnel dans le cadre de la procédure de comparution immédiate, soit requérir l’ouverture d’une information, soit lui remettre une convocation à comparaître devant le tribunal soit recourir à la citation directe.

La CRPC est en principe applicable aux personnes convoquées à cette fin devant le procureur de la République, ou déférées devant lui en application des dispositions de l’article 393 du code de procédure pénale.

Cet article donne au procureur l’option d’ouvrir une information ou de traduire le prévenu devant le tribunal par voie de comparution immédiate. Une troisième option apparaîtra désormais : engager une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
La CPRC peut être engagée d’office par le procureur de la République. Elle peut l’être également à la demande de l’intéressé ou de son avocat (article 495-7), étant précisé que sa mise en œuvre reste dans tous les cas une simple faculté laissée à l’appréciation du procureur de la République.

Il convient de souligner que la nouvelle procédure du CRPC était inspirée par la «composition pénale » qui a été institutionnalisée par la loi du 4 janvier 1993 et modifiée par la loi du 9 mars 2004. Elle permet au procureur de la République de proposer à l’auteur qui reconnaît sa culpabilité d’exécuter des «mesures de composition pénale», c'est-à-dire des peines légères telles qu’une amende, une confiscation ou encore un travail d’intérêt général. Si la composition pénale est acceptée par l’auteur du délit, le procureur saisit le président du tribunal de grande instance pour validation. En contrepartie, l’exécution de la composition pénale met un terme aux poursuites.
La composition pénale est ainsi très proche de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, en pratique, la principale différence réside dans la possibilité, avec la CRPC, d’exécuter de véritable « peines », au sens propre du terme, y compris une peine d’emprisonnement. Sur le plan juridique, la différence est plus profonde : la composition pénale a pour seul effet l’extinction de l’action publique, alors que la CRPC aboutit à une ordonnance d’homologation qui constitue, comme le rappelle le conseil constitutionnel, une véritable décision juridictionnelle.
Déjà, en 1999, une réforme de procédure pénale, la «composition pénale», sœur aînée du « plaider coupable », a été mise en œuvre sans provoquer beaucoup de protestations.

Pourtant, le processus est identique. Dans cette procédure, l'avocat n'est pas obligatoire, l'audience publique non plus. Les avocats n'y sont présents que dans 3% des poursuites et les juges du siège homologuent à 100% les propositions acceptées. Ces justiciables sont ainsi abandonnés à la pression du parquet et au travail parfois distrait du juge de l'homologation.

Le nouveau dispositif (CRPC) s’inscrit dans un mouvement plus général de développement des modes alternatifs de règlements des litiges, notamment dans le but de simplifier le traitement des affaires qui ne posent pas de difficultés majeures. Il en est ainsi du recours accru à la médiation en matière civile, ou à l’arbitrage en matière commerciale.

III. Les avantages du plaider coupable

A. Une procédure efficace en voie de généralisation

Le « plaider coupable » est une procédure efficace, puisque, sur les 10 302 affaires traitées dans ce cadre depuis le 1er octobre 2004, 8 719 ont abouti à l’homologation de la peine proposée par le juge du siège compétent, ce qui représente un taux de succès particulièrement élevé de 84,6 %. Ce taux d’homologation est d’ailleurs relativement stable depuis le début de l’entrée en vigueur de la CRPC.

Cette mise en place réussie de la CRPC tient, avant tout, à son appropriation par les acteurs concernés de la chaîne pénale au premier chef desquels figurent les magistrats du parquet.

En effet, le rôle du parquet est substantiellement modifié dans le cadre de la CRPC puisque, s’il demeure l’autorité de poursuite, c’est également à lui qu’incombe de proposer la peine qui doit, pour être homologuée, se fonder, notamment, sur une qualification juridique des faits précise et respecter les règles de proportionnalité et de personnalisation de la mesure. Ce faisant, la mission du parquet se rapproche, insensiblement, de celle traditionnellement dévolue aux magistrats du siège.

C’est une procédure efficace car la CRPC permis à toutes les parties (l’accusé, le procureur, l’avocat…) d’économiser les frais et la lenteur d’un procès normal, et comme on le sait, tout procès pénal présente un aléa, et cette incertitude est un risque pour chacune des deux parties au procès. L’accusé et le procureur.

L’accusé court le risque d’une condamnation lourde, le procureur prend, quant à lui, le risque symétrique d’un procès coûteux et lent. Le « contrat économique » du plea bargaining, devient la meilleure façon de répartir rationnellement le risque contre les deux concernée.

De surcroît que le plea bargaining, selon PAPADOPOULOS Loannis, est une victoire du pragmatisme sur les principes constitutionnels.

Même si le plea bargaining n’est pas un véritable contrat, il représente toutefois, pour les auteurs libéraux, un compromis utile, un pis-aller (second best choice) en faveur de l’accusé, en lui offrant la possibilité de vendre ses droits de la défense à l’Etat en échange d’une offre de peine plus attrayante. Les partisans radicaux du courant « droit et économie » vont plus loin, en affirmant avec EASTERBROOK que « les droits qui peuvent être vendus sont plus de valeur que ceux qui doivent être consommés ».

B. Une procédure rapide et économique

Aujourd'hui pour certains justiciables, les poursuites devant le Tribunal correctionnel sont d’une longue attente et la décision de jugement est souvent un véritable supplice de tantale, toujours facteur d'aggravation de la dureté de la peine.
Cette reconnaissance préalable de culpabilité qui pourrait être sollicitée par le justiciable dès qu'il aura été informé de l'engagement de poursuites à son encontre lui permettant, en quelques jours, de saisir le Procureur par l'intermédiaire d'un avocat et de solliciter, dans un délai très bref, une proposition de peine.

Il pourra même renoncer au délai de dix jours de réflexion, ce qui permettra ainsi à un justiciable de voir sa situation pénale très vite réglée.

Cette institution qui s'inscrit dans le droit fil des réformes dites de la médiation pénale, du délégué du Procureur et de composition pénale s'inscrit dans la recherche par le gouvernement d'une économie du coût des poursuites que constitue la comparution devant le Tribunal correctionnel, procédure longue, coûteuse en moyens et surtout en magistrats.

Parmi les autres avantages du CRPC c’est que les droits de la victime sont aussi garantis par trois dispositions particulières : Si la victime est identifiée, elle est informée de cette procédure sans délai et par tout moyen, et elle est invitée à comparaître à l'audience de l'homologation, accompagnée, le cas échéant, de son avocat. Elle peut alors se constituer partie civile et demander réparation.

Si la victime n'a pu exercer ce droit, le procureur de la République doit l'informer de son droit de lui demander de citer l'auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils en cause, en tout état de cause, la victime peut faire appel de l'ordonnance d'homologation.
En réalité, la comparution sur reconnaissance de culpabilité présente d'autres avantages et c'est peut-être sur ces avantages que les avocats « obligatoires », pour la mise en place de cette procédure, pourront être utiles.

Même si le plaider coupable se distingue du système anglo-saxon par la restriction de son application aux délits sanctionnés par une peine de prison qui ne peut être supérieure à cinq ans et pour des peines proposées inférieures à un an, le plaider coupable peut être utile car il va éviter aux justiciables une comparution publique devant le Tribunal correctionnel avec toutes les répercutions médiatiques qu'elle peut entraîner.

Même si le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la loi prévoyant que le délibéré devait être rendu en chambre du conseil, la procédure d'acceptation de la peine est, par essence, secrète et le débat devant le Juge d'homologation même s'il sera public ne sera pas porté en ce qui concerne la date et le lieu de comparution à la connaissance des tiers sauf, bien sûr, la victime.

Il y a donc un intérêt pour certains justiciables à accepter une telle procédure confidentielle par bien de ses aspects.

VI. Les limites et les critiques de la CRPC

Si on médite sur la réalité de la CRPC, on ne peut que constater qu’il se base essentiellement sur l’aveu, cette reconnaissance des faits par son auteur est la clé rechercher par la justice. La matière pénale manifeste en particulier envers ce phénomène une fidélité presque sans faille et surtout une ardeur à obtenir, y compris parfois de la part de la police, par les moyens les plus énergiques. Qualifiée de « reine des preuve » l’aveu a de tout temps été recherché.

Historiquement tous les moyens étaient bons pour l’obtenir, et vu les pratiques et les bavures policières et les excès de certains juges d’instructions ont sérieusement écornés l’image de l’aveu et provoqués des aveux spontanés qui conduisent à des erreurs judiciaires, (affaire Patrick DILS comme exemple).
Au Etats-Unis, l’État dispose de tous les moyens pour affirmer la culpabilité d’un accusé et ce dernier doit lui-même subvenir au financement non seulement de sa défense, mais de la recherche des preuves de son innocence, expertises, recherche de témoins, enquêtes menées par des détectives privés.

À la différence du système américain, le droit français se fonde sur la méthode dite inquisitoire. Selon ce principe, le crime est instruit à charge et à décharge afin d’en déterminer les circonstances et les acteurs. Autrement dit, tant qu’il n’est pas condamné, le justiciable est présumé innocent. Rien de cela aux États-Unis, où tout peut se régler entre l’avocat du présumé coupable et le procureur, qui cherchent un «accord» quant à la nature et la durée de la peine.

Dans la majorité des cas, le ou les suspects n’ont pas les moyens de se payer un avocat suffisamment efficace pour discuter de la peine avec le procureur. L’iniquité est encore plus criante lorsque plusieurs suspects sont impliqués dans un même crime. La recherche de la responsabilité individuelle de chacun des accusés est alors délaissée :

Si l’un des complices plaide coupable, on lui conseille de « charger » les autres, moyennant une remise de peine. D’où des cas de meurtre avérés, commis par deux ou plusieurs personnes, dans lesquels celle qui a tué est condamnée à une peine inférieure, parce qu’elle a plaidé coupable, à la sanction imposée à celle qui n’était que complice. Selon les projets prêtés à Dominique Perben, celui des suspects qui dénoncerait ses complices pourrait même être exempté de peine.


A. La CRPC est une vraie menace pour les innocents

Le plus grand problème de la CRPC, qui constitue même un véritable scandale, concerne ses effets sur les innocents. Certains accusés innocents sont tentés, en effet, d’accepter un plaider coupable en échange d’une peine plus douce que celle escomptée. Cette attitude, en apparence aberrante, s’explique par la peur du risque. Les accusés innocents sont naturellement plus « riscophobes » que les accusés coupables qui n’ont, en fin de compte, pas tellement à perdre.

Ils redoutent les aléas d’un procès pouvant déboucher à une condamnation. Dès lors, un innocent est plus enclin à accepter un deal de peine réduite proposé par le procureur qu’à se lancer dans un procès incertain. Or, la condamnation d’innocents de leur propre gré est moralement inacceptable et socialement dangereuse. Elle témoigne à tout le moins d’une piètre confiance de ces personnes dans leur justice, en même temps qu’elle entame sérieusement le crédit public d’une telle horreur se produire.

Dans la plupart des affaires pénales, le principe de culpabilité est acquis avant l’audience et que la présomption d’innocence va s’amenuisant au fil des étapes de la procédure, pour n’être bientôt plus qu’un statut juridique à caractère abstrait. Le plea bargaining a pu ainsi inciter des innocents à s’accuser de crimes qu’ils n’ont pas commis, de peur de se voir encore plus lourdement condamnés s’ils prenaient le risque d’un véritable procès.

D’une manière générale, il aboutit à ce que les personnes ne soient pas condamnées pour ce qu’elles ont fait, mais pour ce qu’elles ont accepté de révéler au tribunal après négociation avec le procureur.

Outre qu’il écorne la confiance du public dans le système judiciaire, le plaider coupable attaque également l’idée même de justice impartiale, rendue au nom de la société et dans le respect des droits fondamentaux de l’individu.
Pour M. PAPADOPOULOS, « dans un monde idéal (...), le plea bargaining n’existerait pas. Personne n’aurait intérêt à marchander ses droits pour acquérir une certaine sécurité juridique, capable de distinguer les coupables des innocents ou de punir chacun dans la stricte mesure de son démérite moral ».

Les droits fondamentaux considérés comme inaliénables dans la théorie juridique classique, sont en effet amoindris : l’accusé, en se privant d’un procès en bonne et due forme, ainsi à la présomption d’innocence et à l’exercice plein et entier des droits de la défense.

B. Une procédure qui cherche le désengorgement au détriment du procès équitable

C’est le représentant de l’accusation, donc le procureur, qui fixe la peine, et, non pas le juge comme dans un procès ordinaire. Le rôle de ce dernier est réduit à une sorte de droit de veto final : il ne peut qu’accepter ou refuser en bloc les peines envisagées. L’objectif affiché du «plaider coupable» est de désengorger les tribunaux tout en donnant une réponse pénale rapide à tout acte délictueux. Ce type de procédure est toujours une forme de chantage. Que l’on soit ou non l’auteur des faits dont on est accusé, on est confronté au même dilemme : pouvoir être fixé rapidement sur son sort, ou devoir affronter les délais et les incertitudes d’un procès.
En effet, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ménage les droits de la défense, limiter l'accès à une justice collégiale pour des raisons budgétaires et organiques, et empêche l’accusé de procéder à un procès juste, normal et équitable.

Ainsi, elle installe une sorte de procédure secrète dans laquelle le juge se contentera d'accepter ou de refuser la proposition du procureur, certes agréée par le délinquant, mais sans connaître véritablement le fond du dossier.

De surcroît que l'accord entre le parquet et celui qui est poursuivi ne sera pas d'une totale transparence.

La police pourra ainsi se servir de micros et de caméras dans les domiciles privés, avec une valeur légale devant le tribunal. Elle pourra perquisitionner la nuit et s’infiltrer dans des réseaux, aussi la durée maximale de la garde à vue passera de deux à quatre jours et l’avocat n’interviendra plus dès la première heure, comme aujourd’hui, mais au bout de 48 heures.

Mise au point par le ministre de la justice, Dominique PERBEN, pour lutter contre le crime organisé et accélérer le traitement des dossiers, la nouvelle loi renforce les pouvoirs des policiers et des procureurs, parce qu’il « privilégie la répression sans considération pour les droits individuels du justiciable », a déclaré à Reuters Jean-Yves Leborgne, président de l’Association des avocats pénalistes. « Sous couvert de vouloir lutter contre la grande criminalité, ce sont en définitive les droits de tous les citoyens qui sont atteints », a déclaré Agnès Herzog, juge à Bobigny et vice-présidente du Syndicat de la magistrature.
Pour le socialiste François HOLLANDE ce vote marque « un jour noir pour la justice française ». Les socialistes, a-t-il dit, « ne considèrent pas que la sauvegarde de l’ordre public soit incompatible avec l’existence de garanties pour les droits et libertés ». Il a jugé « intolérable » de voir ce projet de loi consacrer, selon lui, « trois reculs graves par rapport à l’Etat de droit » : « Atteinte aux libertés à travers la notion floue de la bande organisée », l’instauration du « plaider coupable », qui est « la fin de la garantie d’un procès équitable », et « renforcement du rôle des procureurs ».
Le manque de précision de la loi inquiète également l’ancienne ministre socialiste Elisabeth GUIGOU « Comme il n’y a pas de définition de la criminalité organisée dans cette loi, il y a un risque que ces procédures exceptionnelles - garde à vue de quatre jours, perquisitions de nuit, micros chez les gens - puissent être étendues à la délinquance ordinaire », a déclarée l’ancienne garde des sceaux.

Malgré tout ce qu’on peut reprocher à cette nouvelle procédure signaler qu’elle contient au tant d’avantages que des inconvénients, surtout qu’elle représente une meilleure gestion des flux judiciaires.
Cette procédure devrait désengorger les audiences correctionnelles, notamment les comparutions immédiates, qui offrent souvent le visage d'une « justice d'abattage », désacralisée et contraire aux règles du procès équitable. « Tout ce qui va permettre de ne pas aller à l'audience est une bonne chose, ce sera du temps gagné », résume un procureur général.

Dans l'idéal, les tribunaux pourront réserver l'audience aux dossiers les plus complexes, mais aussi permettre aux juges de se consacrer davantage aux affaires civiles, dont le traitement atteint des délais record. Un autre avantage est avancé : le plaider coupable « s'inscrit dans la justice acceptée », a défendu le procureur général de Paris, Jean-Louis NADAL.

Et la négociation est encadrée. Aux Etats-Unis, tout est négociable avec un procureur. Là est la dérive. En France, le succès de cette mesure dépendra de la disposition des magistrats et des avocats à accepter de jouer le jeu et de réviser leur culture du droit. Faute de quoi, cette disposition court à l'échec.
Si la justice française a empruntée ce système anglo-saxon en l’adaptant avec ses spécificités juridiques, on ne voit pas d’inconvénient à ce que le législateur marocain adopte, à son tour, cette nouvelle procédure qui pourra sans doute apporter ses fruits dans l’ensemble des tribunaux du royaume.

Dr. Adil ELAABD

Référence :

Bryan A. GARNER, « Black’s Law Dictionary » (le dictionnaire juridique américain), édition Deluxe Ninth, 1998.

Loannis PAPADOPOULOS, « Plaider coupable » la pratique américaine le texte français DROIT ET JUSTICE, édition puf, 2005.

Élie ESCONDIDA & Dante TIMELOS, « Face à la police. Face à la justice », édition Altipano, 2007.

Journal «L’humanité », édition du 13 décembre 2002.

Journal « Le Monde », édition du 11 février 2004.

Journal « Le Monde », édition du 20 janvier 2004.




 

 


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